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De nouvelles lettres piégées mettent en émoi les institutions européennes

A Bruxelles, l'énorme masse de courrier que reçoivent les fonctionnaires européens est désormais traitée avec une vigilance accrue. Certains parlementaires réclament même une révision des règles de sécurité

Ce n'est pas encore une psychose, mais Bruxelles est en alerte après la réception, au Parlement européen, d'une nouvelle série de lettres piégées qui font suite à celles envoyées précédemment à des représentants de l'union en Italie, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

Témoin de la prudence dont font désormais preuve diplomates, élus et fonctionnaires, cette mésaventure arrivée mardi matin à la représentation italienne auprès des Quinze. Un colis suspect, de la taille d'un livre – comme le paquet qui s'est embrasé à Bologne, le 28 décembre dernier, au domicile du président de la commission Romano Prodi ou celui qui visait, lundi à Bruxelles, le député allemand Hans Gert Pöttering – a mis en alerte les diplomates et le personnel de l'ambassade car le paquet ne mentionnait pas d'expéditeur. Dans le doute, l'envoi a été aussitôt remis à la sécurité qui l'a confié à la police belge. Fausse alerte: il s'agissait de courrier normal.

Ces précautions risquent toutefois de se prolonger. Dimanche, avant même que certains députés européens ne découvrent, à leur retour de vacances, qu'ils étaient la cible de colis piégés, les services de la commission avaient déjà mis en alerte tout leur personnel à Bruxelles comme à Luxembourg en appelant par circulaire à la «vigilance constante», tout en s'efforçant de calmer les esprits: «Tout courrier remis à la commission est soumis aux contrôles appropriés», rappelle cette lettre adressée à tous. «Si vous notez un pli inhabituel ou suspect, vous êtes priés de contacter la permanence du service de sécurité» ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Celle-ci entend bien désormais tout centraliser, afin de scanner par prudence les quelque 25 000 lettres et colis que l'exécutif européen reçoit quotidiennement.

Dans les bâtiments de la commission – où rien de suspect n'a été détecté, ni reçu – le degré d'alerte a été «un peu rehaussé», d'après un porte-parole. Les commissaires européens se sont vu proposer que leur courrier privé soit soigneusement examiné: tous n'ont pas accepté, mais Romano Prodi fait – selon son entourage – l'objet d'une surveillance plus attentive qu'à l'accoutumée.

Le siège du Parlement européen est en revanche plus agité. Lundi, artificiers et pompiers y ont défilé toute la journée après la découverte de plusieurs colis suspects suscitant des déclarations enflammées, comme celle d'Enrique Baron Crespo, le président du groupe socialiste, indigné de ces «sauvages agressions». «Dans l'Europe que nous construisons, s'est-il exclamé, il y a de la place pour toutes les idées, mais pas pour la démence ni la violence.» D'autres parlementaires s'interrogent plus prosaïquement. Nelly Maes, député verte des Flandres, a ainsi estimé: «Nous devons faire la balance entre notre souci d'ouverture et de transparence et des procédures de sécurité qui nous permettront de faire notre travail en toute tranquillité.» Elle a réclamé une «révision complète des règles pour le courrier reçu au Parlement». Durant les Fêtes de fin d'année, 100 000 envois divers sont parvenus aux élus et à leurs services.

L'enquête n'est pas terminée, mais il semble que tous les colis piégés adressés aux responsables européens aient été postés à Bologne, en Italie, aux alentours du 22 décembre, peut-être par un groupe anarchiste. Pour le procureur chargé du dossier, les expéditeurs «ont déjà atteint le but qu'ils s'étaient fixés en provoquant beaucoup d'émois». Quant à l'Europe, si elle renforce sa sécurité physique, elle applique aussi ses recettes habituelles en créant de nouveaux comités: lundi, à Rome, un groupe transnational d'experts a été mis sur pied afin d'enquêter tout spécialement sur l'affaire des lettres piégées.