Nucléaire iranien : le triomphe de la diplomatie
énergie
Un accord de base a finalement été trouvé à Lausanne sur le programme nucléaire iranien. Si des écueils subsistent avant la signature formelle de l’accord complet avant le 30 juin, ce qui a été réalisé à Lausanne est déjà historique

Un grand soulagement. C’est l’expression qu’affichaient hier soir au Learning Center de l’EPFL, l’ensemble des acteurs d’un incroyable marathon diplomatique. Une satisfaction aussi, celle d’avoir déjoué tous les pronostics des plus sceptiques – ils étaient nombreux – sur les chances de parvenir à un premier accord cadre sur le contrôle de la filière nucléaire iranienne en échange de la levée des sanctions internationales qui frappent Téhéran.
L’honneur est revenu à la seule femme ministre de ce cénacle, Federica Mogherini, la Haute commissaire aux Affaires étrangères de l’UE, de révéler dans un premier temps le texte du compromis en anglais. Mohammad Javad Zarif l’a lu ensuite dans sa version en farsi. On comprend aussitôt que les parties sont convenues d’un processus qui va au-delà de ce que l’on pouvait espérer quelques jours plus tôt.
Fin des sanctions
Davantage qu’une simple prise de position politique, les engagements sont concrets. Le texte détaille ce que pourront produire et ne plus produire l’ensemble des centrales nucléaires iraniennes, y compris celle au plutonium d’Arak. Les sanctions américaines et européennes seront levées dès la mise en œuvre de l’accord sous la surveillance renforcée des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Pour les sanctions de l’ONU, cela sera progressif, selon un processus que Laurent Fabius qualifie de «subtil».
Un tiers des centrifugeuses maintenues
L’Iran se débarrassera des deux tiers de ses stocks de combustible enrichi en les vendant sur le marché international ou en le diluant. Quant à l’uranium que pourra continuer d’enrichir la centrale de Natanz, il sera limité à un taux de 3,6%, une limite suffisante pour s’assurer que l’Iran ne puisse développer une bombe dans un temps inférieur à un an.
Beaucoup de détails restent à régler, le calendrier à préciser, pour parvenir à un accord définitif d’ici le 30 juin. «Mais nous avons mis un terme à la parano qui n’était dans l’intérêt de personne», a expliqué le ministre iranien. «L’Iran a été victime par le passé de nombreuses promesses non tenues, a poursuivi Mohammad Javad Zarif. Nous ne permettrons pas que cela se reproduise.»
Presque enjoué, il a ajouté qu’il avait sans doute battu un record du monde avec John Kerry en négociant de 21 heures à six heures du matin dans la nuit de mercredi à jeudi. «Vous pensez qu’on aurait mis toute cette énergie à trouver un accord pour l’abandonner le lendemain?»
«Il y a encore du travail»
Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, réputé le plus dur dans la négociation, s’est également félicité d’une étape «incontestablement positive». Il veut croire à un accord à venir «solide et vérifiable». «Mais il y a encore du travail, des modalités à préciser», a-t-il aussitôt ajouté.
John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, a attendu la fin de l’allocution du président Barack Obama, à Washington, suivie sur les écrans d’ordinateur, pour prendre la parole. «Aujourd’hui, nous avons franchi une étape décisive dans notre quête d’un consensus», a-t-il expliqué en insistant sur le fait que l’Iran est un partenaire. «La diplomatie évite les guerres, défini les normes. Nous ne pouvions pas simplement demander à l’Iran de capituler, ce n’était pas un plan réaliste», a-t-il ajouté.
Washington-Téhéran: vers le dégel?
L’Américain est allé plus loin : «Si l’on peut éliminer cette question des armes nucléaires, cela ouvre d’autres perspectives, mais je ne veux pas spéculer». Sur ce terrain d’un rapprochement futur entre les deux pays, Mohammad Javad Zarif s’est montré plus prudent: «Les relations irano-américaines n’ont rien à voir avec cette négociation. Je remercie Kerry pour ce résultat, mais il subsiste de sérieuses différences entre nous, trop d’années de défiance. Nous allons attendre et voir pour la suite.»
Si tous les acteurs de ce vaudeville diplomatique – dont les coups de théâtre feront sans doute un jour le bonheur des scénaristes – pouvaient repartir de Lausanne avec la satisfaction d’avoir accompli leur tâche, beaucoup de question restent en suspens. «Si ceci, si cela, si pour tout, qu’est-ce que cela veut dire, se désolait en fin de soirée un journaliste iranien. Quand est-ce qu’ils vont les lever ces sanctions ?»