Mais jusqu'à quand? Au cœur de cette crise, c'est bien la fierté nationale iranienne qui est aujourd'hui en jeu – cette même fierté nationale qui poussa Mossadegh à nationaliser le pétrole en 1951. Aujourd'hui, l'Iran ne présente pas les signes d'un renoncement définitif à ses activités. Le développement du programme nucléaire iranien n'est d'ailleurs pas le fruit de la République islamique. A l'époque, le chah avait déjà largement investi dans le domaine.
Cette rhétorique nationaliste, teintée d'islamisme depuis la révolution de 1979, est plus que jamais présente dans les discours officiels. «Nous sommes reconnaissants à l'égard de l'Occident qui nous a permis de doubler la cohérence de l'identité nationale islamiste de notre nation avec ce défi nucléaire», notait hier le journaliste Mohammad Imani, dans un article publié dans le quotidien conservateur Keyhan, proche des idées du guide religieux, l'ayatollah Khamenei.
La veille, à l'ouverture d'une conférence intitulée «La technologie iranienne: symbole d'une volonté nationale», le président du parlement iranien, Gholam-Ali Haddad Adel, déclarait que «l'indépendance de l'Iran fait l'objet d'un consensus entre les différents groupes politiques du pays», en ajoutant: «L'utilisation pacifique de la technologie nucléaire est le symbole d'une quête d'indépendance.» Et de poser la question: «Pourquoi les Etats occidentaux, qui se soucient de l'accès d'autres pays aux armes nucléaires, ne montrent aucune sensibilité à l'égard de l'arsenal nucléaire israélien? Pourquoi devrions-nous renoncer à nos activités nucléaires?» Au printemps dernier, le parlement iranien, majoritairement conservateur, avait déjà mis en garde les Européens en adoptant une loi obligeant le pays à développer sa technologie nucléaire.
En cas d'échec des négociations, Londres, Berlin et Paris pourraient renvoyer le dossier au Conseil de sécurité des Nations unies, et déclencher ainsi l'imposition de sanctions contre la République islamique. Mais les Iraniens ne semblent pas s'en inquiéter. Vu de Téhéran, l'exemple de la Corée du Nord, sanctionnée par le Conseil, après s'être retirée du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), en 2003, est plutôt réconfortant. Pour l'heure Pyongyang n'a subi aucune réelle conséquence de son désengagement (lire ci-dessous). Par ailleurs, les Iraniens sont bien conscients qu'à l'heure de l'augmentation des cours du pétrole, un embargo sur l'or noir de leur pays ferait trop mal aux pays occidentaux.
De plus, la rhétorique nationaliste iranienne est aujourd'hui renforcée par la situation géopolitique actuelle de l'Iran. D'abord intimidé par la présence américaine en Afghanistan, puis en Irak, Téhéran ne peut que sourire de l'enlisement des forces d'occupation dans ses deux pays voisins. Dans ce contexte, la menace d'une intervention militaire américaine en Iran – au cœur de l'«axe du mal» de George Bush – n'est plus à l'ordre du jour. D'où cette position de force de Téhéran qui lui permet d'adopter un discours à la limite de la provocation. «Dans le contexte actuel et après deux ans de négociations sans résultat, le message de l'Iran aux Européens est clair: «Dépêchez-vous, les enfants! Il est temps de rendre votre copie!» ironisait, avant-hier, un éditorial publié dans le quotidien Tehran Times.