Oui, le monde est devenu moins sûr en 2015
Rétrospective
Terrorisme en hausse, cas extrêmes de pays en guerre: la planète ne s’approche pas de la paix

C’était le 23 novembre dernier. Le département d’État américain, qui tient à jour une liste de destinations dangereuses pour les voyageurs, émettait un avertissement d’un genre particulier. Les agresseurs potentiels contre les ressortissants américains? L’État islamique (Daech), Al-Qaida, Boko Haram, «ainsi que d’autres groupes terroristes». Le risque? Des attaques effectuées avec «des armes conventionnelles ou non conventionnelles», sur des lieux officiels ou privés, sur les marchés, dans les théâtres, dans les rassemblements publics, à l’aéroport. Mais c’était surtout l’étendue géographique de l’alerte (destinée à rester en vigueur au moins jusqu’en février prochain) qui était inhabituelle: la menace concerne… le monde entier.
Ces dernières années, le monde semble ainsi être devenu un endroit moins sûr, et pas seulement pour les touristes américains. A Berne, le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) met lui aussi en avant les risques liés aux activités terroristes qui, confirme sa page de conseils aux voyageurs, «constituent un danger dans le monde entier, y compris en Europe». Une menace globale, mais aussi diffuse, puisque les terroristes, par nature rappellent le DFAE, «frappent par surprise».
De fait, même en restant marginal par rapport aux autres causes de mortalité à l’échelle mondiale, le nombre de morts dus au terrorisme n’a cessé de croître: quelque 18 000 personnes l’année dernière, soit plus du double que sept ans auparavant, note ainsi The Institute for Economics and Peace. Mais, malgré des attaques qui ont eu lieu en France, au Danemark ou en Australie, pratiquement tous les attentats terroristes se sont concentrés dans cinq pays, ce qui rend le phénomène un peu moins «surprenant»: l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan, le Pakistan et le Nigeria.
Cartes. Entre 2000 et 2015, l'extension spectaculaire des zones de grand danger
La réalité est là: l’accroissement du nombre des actes terroristes est en vérité intimement lié aux situations de guerre qui ont assombri le panorama mondial ces quinze dernières années, malgré une embellie passagère. Oui, le monde est devenu globalement un endroit moins sûr, avec au moins 70 000 morts dues à la guerre chaque année. Rien d’étonnant: c’est bien l’ensemble Syrie-Irak qui en est en grande partie l’épicentre. Et c’est bien aujourd’hui la région du Moyen-Orient qui est devenue la moins sûre de la planète, ravissant cette sinistre prérogative à l’Asie du sud (région à laquelle appartiennent l’Afghanistan et le Pakistan).
Cependant, c’est bien une autre tendance alarmante que souligne notamment The Institute for Economics and Peace, qui publie depuis une dizaine d’années son «Global Peace index». Car à la course perdue de la planète vers la paix s’ajoute surtout la multiplication de cas extrêmes. Jusqu’à récemment, le globe comptait ainsi trois pays particulièrement désespérés: la Somalie, l’Irak et le Soudan. Aujourd’hui, ils deviennent foison. Non seulement la situation ne s’est guère améliorée dans ces trois pays; non seulement s’y ajoute maintenant une bonne partie du Moyen-Orient avec la Syrie, le Yémen, la Libye et en partie l’Egypte; mais figurent aussi dans la liste désormais la République centrafricaine, le Congo, l’Afghanistan et le Pakistan. C’est bien une partie croissante de la planète qui devient progressivement «off limits».
Inutile, dans ce tableau, de chercher un remède au moyen d’une intervention militaire. Bien au contraire: à l’orée de l’année 2016, les inquiétudes continuent de se concentrer sur la Syrie et sur l’Irak, mais aussi sur la Libye et l’Ukraine, deux des pays qui se sont écroulés dans le classement du «Global Peace index» et qui vivent les lendemains d’une attaque étrangère.