Tout porte donc à croire que la justice sera mise une double fois hors jeu au Liberia. Car non seulement Taylor devrait échapper à toute arrestation, mais aussi, sous la pression des Etats-Unis, le Conseil de sécurité de l'ONU a autorisé par la résolution 1497 l'envoi d'une force multilatérale au Liberia placée hors de la juridiction de la Cour pénale internationale. Cela signifie qu'au cas où certains de ses soldats seraient suspectés d'avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité au Liberia, ils ne pourraient être poursuivis par le Tribunal de La Haye. La France, l'Allemagne et le Mexique se sont abstenus de voter cette résolution. «Ce paragraphe (garantissant l'immunité) n'a rien à voir avec la mission au Liberia», a regretté l'ambassadeur allemand auprès de l'ONU, Günter Pleuger. En juillet dernier, les Etats-Unis avaient déjà obtenu une dérogation identique pour les contingents de la force de stabilisation déployés en Bosnie. Cette volonté de torpiller la CPI fait fulminer les organisations des droits de l'homme: «Les Etats-Unis jouent au poker avec la vie des Libériens. Ils ont détourné les bonnes intentions de la communauté internationale au bénéfice d'une croisade idéologique contre la justice internationale», affirme Richard Dicker, de Human Rights Watch, cité par Reuters.
La détermination de l'administration Bush à torpiller la justice internationale ne faiblit donc pas. Ces dernières semaines, les Etats-Unis ont menacé de couper l'aide humanitaire promise aux Etats des Caraïbes, victimes d'un ouragan, s'ils ne s'engageaient pas à ne jamais extrader un ressortissant américain à la prison de la CPI. Désormais, sous les intenses pressions américaines, une cinquantaine d'Etats ont accepté de ne pas collaborer avec la CPI, dès que les Etats-Unis sont en cause. Simultanément, la Belgique a renoncé la semaine dernière à sa loi jusqu'ici très large sur la compétence universelle relative au crime contre l'humanité. La semaine dernière, aussi, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, incité par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, a recommandé une refonte du poste de procureur des tribunaux onusiens qui aura pour effet d'évincer Carla Del Ponte de son poste au Tribunal pénal international pour le Rwanda. De quoi satisfaire le gouvernement de Kigali qui veut mettre un terme à certaines enquêtes embarrassantes ouvertes par la Suissesse.