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Le PAM n’a plus les fonds pour nourrir les réfugiés syriens

Il manque 64 millions de dollars au Programme alimentaire mondial pour le mois de décembre. Cette bombe est lâchée une semaine avant que l’ONU ne lance son appel global pour financer l’ensemble des besoins humanitaires dans le monde pour 2015

Le PAM n’a plus les fonds pour nourrir les réfugiés syriens

Nations unies 64 millions de dollars manquent pour décembre

L’ONU crie famine. L’une de ses principales agences humanitaires, le Programme alimentaire mondial (PAM) basé à Rome, a annoncé lundi qu’elle n’était plus en mesure de nourrir 1,8 million de réfugiés syriens au Liban, en Jordanie, en Irak, en Turquie et en Egypte.

L’aide était distribuée sous forme de bons à dépenser dans les magasins locaux. L’agence a précisé que le service reprendrait dès qu’elle aurait reçu les fonds qu’elle réclame depuis des mois. Il manque 64 millions de dollars au PAM pour le mois de décembre. «Nous avons reçu 125 millions de dollars de la part des Etats-Unis courant novembre. Cela a permis de continuer un peu plus longtemps. Mais il faut savoir que l’aide alimentaire à l’extérieur et à l’intérieur de la Syrie coûte 35 millions de dollars par semaine», explique Elisabeth Byrs, porte-parole du PAM à Genève.

«Banqueroute»

«Notre mécanisme de prêt interne vient de nous dire que les caisses sont vides et que nous ne pouvons plus transférer l’argent nécessaire dans les pays limitrophes de la Syrie. A l’intérieur du pays, nous avons encore de la nourriture en stock jusqu’en février», continue-t-elle. Cette décision tombe alors que les réfugiés syriens vont passer un nouvel hiver dans des conditions précaires. Le PAM ne cache pas que cela risque d’augmenter le ressentiment et l’instabilité dans les pays d’accueil.

Le PAM a lâché cette bombe une semaine avant que l’ONU ne lance son appel global pour financer l’ensemble des besoins humanitaires dans le monde pour 2015. Avec la multiplication des crises – la Syrie, l’épidémie d’Ebola, le Soudan du Sud ou la Centrafrique –, la somme demandée risque d’atteindre de nouveaux records. L’an dernier, l’ONU avait réclamé 19,2 milliards de dollars, six fois plus qu’il y a dix ans. A ce jour, elle n’en a reçu que la moitié.

C’est tout le système humanitaire onusien qui est au bord de la «banqueroute», avertissait en septembre déjà Antonio Guterres, le haut-commissaire aux Réfugiés. L’ensemble des programmes de l’ONU en faveur des réfugiés syriens n’est financé qu’à hauteur de 54%. La proportion est encore moindre pour les opérations menées à l’intérieur de la Syrie (45% de financement). La Syrie est de loin la plus grosse opération humanitaire de l’ONU. Mais les victimes de la guerre entre Boko Haram et l’armée nigériane (13%) ou de la violence en République démocratique du Congo (22%) sont encore moins bien loties.

Système de financement

«Nous ne pouvons plus continuer ainsi», analyse Jens Laerke, le porte-parole du bureau de coordination de l’aide humanitaire à Genève. «Pour venir en aide aux populations, nous ne pouvons compter que sur la bonne volonté des Etats et ceux-ci sont déjà très généreux.» A contrario, chaque pays est obligé selon une clef de répartition précise de contribuer au budget général de l’ONU ou aux Casques bleus. Les opérations humanitaires, elles, sont uniquement financées sur une base volontaire. Les cinq plus gros donateurs sont les Etats-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon et l’Allemagne.

Changer le système de financement s’impose. L’idée fait son chemin, mais elle ne devrait pas se concrétiser avant 2016, date d’un important sommet sur l’aide humanitaire. La patronne de l’aide humanitaire de l’ONU, Valérie Amos, lancera donc lundi prochain comme chaque année un appel à la générosité des Etats. La Britannique a d’ailleurs annoncé sa démission la semaine dernière, qui sera effective à la fin mars. Valérie Amos n’a pas démérité. Bien au contraire. Le New York Times rapportait la semaine dernière que son départ avait été imposé par le premier ministre David Cameron, qui veut la remplacer par l’un de ses fidèles, Andrew Lansley, ancien ministre de la Santé. Le poste, selon une répartition informelle entre les grandes puissances, est une chasse gardée britannique.