La recapitalisation des banques espagnoles, plombées par 184 milliards d’euros «d’actifs problématiques» devient urgente et pourrait justifier un sommet extraordinaire, avant celui de la fin juin 2012 consacré… à la croissance. Le 6 mai, les législatives grecques pourraient déboucher sur une confrontation avec Bruxelles en cas de victoire de la droite, alliée à l’extrême droite nationaliste et anti-allemande. L’Italie de Mario Monti, enfin, vient de repousser son objectif de retour à l’équilibre. L’austérité a engendré la paralysie. «On arrive au bout. On est au bord du gouffre», confiait récemment l’économiste français Patrick Artus au Monde.
La France, dans ce contexte, nourrit l’angoisse communautaire. The Economist, le Financial Times ou le Wall Street Journal pilonnent la propension de l’Hexagone et de ses élites à nier la réalité mondialisée. Mais la critique n’est pas qu’anglo-saxonne. Sylvie Goulard, députée européenne libérale française très appréciée à Berlin, s’est emportée dans le FT contre le «syndrome d’Astérix déplacé d’un pays à la fois «prisonnier de quelques vieilles obsessions» et oublieux de son rôle de pilier de la «gouvernance européenne». Pire: le néo-souverainisme de l’entre-deux-tours de Nicolas Sarkozy, chantre de la nation et des frontières menaçant de quitter l’espace Schengen, a brouillé les cartes. Sur fond d’incertitude autour des législatives en juin. «A ce rythme, Paris va devenir un trou noir européen», s’inquiète un ancien ministre conservateur français.
La réponse, dès lors, est en Allemagne. Car c’est à Berlin que tout se jouera au lendemain du 6 mai pour l’hôte de l’Elysée. Or, là aussi, la présidentielle a fait des dégâts collatéraux. Angela Merkel, dont Nicolas Sarkozy avait fait sa caution, n’est jusque-là pas venue le soutenir. La frange réaliste des sociaux-démocrates, emmenée par l’ancien ministre des Finances Peer Steinbrück, se tient à l’écart du PS français, proche du président du SPD Sigmar Gabriel. Le fossé se creuse. Au point que Jens Weidmann, le puissant président de la Bundesbank, a cru bon de réitérer ses doutes à Londres le 28 mars. «Quels pays doivent procéder à des ajustements?», a-t-il interrogé. «Les pays excédentaires ont certes accru leurs exportations. Mais à la fin, ce sont les pays déficitaires qui ont choisi de poursuivre un modèle insoutenable.»
«La France est la clé de la zone euro car d’elle dépend beaucoup la dynamique politique en Europe», ajoute Thijs Berman, chef de file des travaillistes néerlandais au Parlement européen. Avec l’espoir qu’un succès du PS dans l’Hexagone influera sur les élections anticipées le 12 septembre dans son pays, où la coalition libéraux-extrême droite vient de tomber. Sauf que tout le monde est d’accord ou presque: les marchés pourraient bien ne pas attendre jusque-là…
Michel Sapin, le bras droit économique de François Hollande, a beau affirmer avoir reçu des assurances que les agences de notation ne dégraderont pas à nouveau la dette tricolore, le climat est donc à l’orage. Les Etats-Unis s’inquiètent de la récession européenne. Les analystes des grandes banques listent les «blocages» sociaux et fiscaux en cas de victoire socialiste. Vieux «mur de l’argent» devant le changement, comme en 1981? «Peut-être, mais surtout refus d’une surenchère présidentielle bien éloignée des réalités. A gauche comme à droite», corrige un proche de Jacques Delors, l’ancien patron socialiste de la Commission qui fut le ministre des Finances de François Mitterrand et incarna le tournant de la rigueur.
«La France est la cléde la zone euro»