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Lors du sommet «One Planet» qui se tient ce mardi dans la capitale française, Emmanuel Macron cherche avant tout à contourner l'opposition de son homologue américain

Donald Trump n'est pas un obstacle comme les autres. Plutôt que d'affronter directement le président américain sur la question du réchauffement climatique, Emmanuel Macron a choisi ce mardi l'esquive et l'encerclement. Lors de son discours devant les quelques soixante chefs d'Etat ou de gouvernement présents à Paris pour le sommet «One Planet» organisé deux ans pile après l'accord de Paris conclu à la fin de la COP 21, le chef de l'Etat français a refusé de diaboliser les Etats-Unis, qui ont confirmé en septembre leur décision de retirer leur signature au bas de ce texte âprement négocié qui engage 175 pays.
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«Je suis assez certain que mon ami le président Trump va changer d’avis dans les mois ou les années à venir. Il doit comprendre sa grande responsabilité face à l’Histoire» a répété le président français devant ses homologues, après avoir prononcé des mots identiques lundi soir, devant les caméras de la chaine américaine CBS News, et déploré le fait que les Etats-Unis sont seulement représentés, pour ce sommet parisien, au niveau de leur ambassade. Juste avant, douze engagements ferme pris lors de ce sommet ont été annoncés parmi lesquels la création d'un fonds dédié public-privé pour la zone des Caraïbes, le lancement d'un fonds de 300 millions de dollars pour lutter contre la désertification, la mise sur pied d'un programme de financement Climat pour les zones tropicales et l'allocation de 600 millions de dollars pour aider le monde agricole à s’adapter au changement climatique . Une plateforme de financement de 100 projets « Eau et Climat » pour l’Afrique va également voir le jour.
Le président français a deux batailles
«L'enjeu, pour Emmanuel Macron, est de gagner deux batailles à l'issue de ce sommet», confirme un diplomate français au Temps. «La première est celle des financements indispensables à la transition écologique. La seconde est la bataille politique. Il faut prouver au monde, aux grandes entreprises, à tous les climato-sceptiques de la planète qu’on peut se passer de Donald Trump, mais pas des Américains. L'idée, c'est de cerner le président des Etats-Unis. Pas de s'engager avec lui et son administration dans un bras de fer.»
Comme annoncé, le sommet «One Planet» organisé à la Seine Musicale – le nouveau complexe culturel édifié sur l'île Seguin où se trouvaient jadis les usines Renault – a, toute la matinée, mis l'accent sur le financement. Tous les intervenants, à commencer par le ministre français de la Transition écologique Nicolas Hulot, ont de nouveau lancé leurs appels aux banquiers, entreprises et autres fonds de pension pour faire de la «finance verte» le secteur clef des décennies à venir.
L'ambition de Paris
«Les entreprises et les investisseurs doivent éviter l’effet Kodak: les énergies renouvelables vont remplacer les énergies fossiles comme la photo numérique a remplacé la photo argentique» a prévenu l'ancienne vedette de la télévision, dont la position au sein du gouvernement est tout, sauf simple. L'objectif avoué de Paris, derrière ces incitations, est de devenir la capitale mondiale de cette finance verte: «A l'heure où la City tremble à cause du Brexit britannique, et au moment où Wall Street est tenu à l'écart es enjeux écologiques par la décision de Donald Trump, l'enjeu n'est pas mince. La bataille du climat cache des batailles de gros sous» confirmait lundi, en marge d'une réunion au ministère des finances français, un haut responsable du patronat hexagonal.
Preuve de la stratégie de contournement d'Emmanuel Macron, le point fort de ce sommet d'une journée n'est pas la confrontation politique. Après la matinée dédiée au financement, l'après-midi doit porter sur les annonces d'initiatives concrètes, engageant en particulier les pays riches pour aider les pays pauvres à recueillir, à partir de 2020, les 100 milliards de dollars annuels nécessaires à la décarbonisation de leur économie.
«Il faut un choc dans nos modes de production et de développement» a répété le président français au Monde. L'objectif de l'Elysée n'est plus de placer l'Union européenne et ses partenaires – dont la Suisse, représentée par Doris Leuthard, et qui a ratifié en juin l'accord de Paris sur le climat – en pole position politique, mais de faire de l'Europe le gardien de la mise en œuvre des décisions précises. «Ce dont nous avons besoin, c'est d'une série d’actions aux niveaux national, européen et international. C’est l’objectif de ce sommet du 12 décembre. Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarations. Le système des conférences climat [les COP] présente un intérêt diplomatique et a le mérite de placer les acteurs gouvernementaux sous tension, dans le cadre d’un multilatéralisme. Mais il faut aller plus loin» peut-on lire dans l'entretien accordé au journal français.
Le volet people
Un autre objectif du sommet «One Planet» plus controversé, est l'enrôlement de têtes d'affiches de la société civile, de la philanthropie et du show-business au service de la cause du climat. Ce versant «people» assumé par un Emmanuel Macron conscient du poids des médias et des réseaux sociaux pour façonner l'opinion publique mondiale, est illustré par la présence aux cotés du président français des acteurs Leonardo Di Caprio et Arnold Schwarzenegger, de l'ancien maire de New York Michael Bloomberg, et ou du fondateur de Microsoft Bill Gates.
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Une coalition de stars américaines dont le but est évident: démontrer, à Paris, que Donald Trump est un président bien plus isolé qu'il ne le prétend sur la question, cruciale pour tous, du réchauffement de la planète. Y compris dans son propre pays.