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Paris nie toute pression sur la justice

Les autorités françaises se défendent d'avoir influencé les juges pour obtenir la levée de la saisie du célèbre voilier-école

Le gouvernement français a-t-il fait pression sur la justice pour empêcher la saisie du Sedov, ce navire de passage à Brest? C'est ce que laissent entendre les avocats de la société Noga, cités jeudi par Le Figaro. Ils n'admettent toujours pas la levée de la saisie, ni surtout l'interprétation qu'en a donnée le ministère. Aux Transports, on nie toute pression sur la justice mais on explique que le ministère s'est borné à formuler, dès le jugement rendu, l'«interprétation» du jugement, et à donner aux autorités portuaires une «explicitation de la décision» du tribunal pour faciliter son exécution.

Une neutralité de façade, qui résiste mal aux faits, observent les défenseurs de Noga. D'une part, contrairement à leur demande, aucune permanence n'a été assurée pour que les avocats puissent déposer, après la décision du tribunal, une assignation en sursis à exécution auprès de la Cour d'appel de Rennes: le jugement ayant été rendu en fin de journée, l'huissier chargé de la mission s'est trouvé devant portes closes, et la requête n'a pu être formalisée que le lendemain! Bref, tout indique que, sans intervenir directement sur la justice, le gouvernement paraît avoir tout fait pour qu'effectivement, le bateau quitte Brest avant que la justice ait pu prendre connaissance de la demande de sursis.

Il faut dire que, pour Paris, la saisie du navire tombait on ne peut plus mal. Et que, quand il le faut, la France ne rechigne pas à invoquer la raison d'Etat pour passer outre au fonctionnement normal des institutions: qu'on se souvienne de l'extradition manquée des deux Iraniens vers la Suisse, sous Edouard Balladur. Or on assiste, depuis plusieurs mois, à une détérioration des rapports franco-russes. Des leaders des pays industrialisés, Jacques Chirac est ainsi le seul que Vladimir Poutine n'ait pas encore visité. En lisant les propos tenus jeudi à Moscou par le président russe recevant le nouvel ambassadeur de France, les défenseurs de Noga ont pu voir une confirmation de leur thèse: «Je suis certain, a affirmé Vladimir Poutine, que la coopération entre la France et la Russie sera constructive.» Etonnante embellie, explicable au demeurant. Car Moscou n'ignore pas que la diplomatie française a plaidé au sommet du G8 pour une aide économique en sa faveur. Dans l'affaire du Sedov, la France pourrait bien avoir multiplié les prévenances pour réduire la zizanie entre les deux pays. Et la justice, dans tout cela?