Quelle est la différence entre «ségolisme» et «sarkozysme»? Sur le terrain sécuritaire, les deux grands prétendants à la présidentielle de 2007 se ressemblent de plus en plus. Mercredi soir, Ségolène Royal a même tenté de dépasser Nicolas Sarkozy, dont elle dénonce la «faillite absolue», en proposant des mesures drastiques pour endiguer la criminalité. Ce tournant suscite un certain malaise, mais aussi des espoirs chez les socialistes français.

Lors d'un déplacement en banlieue parisienne mercredi, la présidente du Poitou-Charentes a lancé des idées qui rappellent celles de son rival de droite, comme la «mise sous tutelle des allocations familiales» pour les parents d'adolescents difficiles. Sur certains points, elle va même plus loin, préconisant la création de «systèmes d'encadrement à dimension militaire» pour les jeunes délinquants, l'introduction de stages obligatoires pour les parents défaillants et l'utilisation de «tuteurs» musculeux pour remettre dans le droit chemin ceux qui «pourrissent» la vie des établissements scolaires.

Venant d'une fille d'officier élevée dans une école catholique, ce discours n'est pas inattendu, d'autant qu'il correspond assez bien à la campagne sur les «valeurs» martelée par Ségolène Royal. Mais son caractère très carré a de quoi surprendre. «Elle dit les choses avec une netteté qu'on n'avait pas l'habitude d'employer», résume Gaëtan Gorce, un député socialiste qui se veut indépendant des différents «présidentiables» en lice.

Certains rivaux de la candidate au sein du PS se sont empressés de condamner ses déclarations: Jean-Christophe Cambadélis, le bras droit de Dominique Strauss-Kahn, parle de «petit dérapage» qui «légitime» Nicolas Sarkozy. Mais d'autres responsables, comme le vétéran Jack Lang ou l'étoile montante Manuel Valls, se sont félicités de cette forte prise de parole.

«Ségolène met l'accent sur la sanction, alors que traditionnellement les socialistes privilégient la prévention», ajoute Gaëtan Gorce. «Elle a raison d'attaquer Sarkozy sur ce terrain, car il a échoué: le nombre de gens qui disent s'être fait agresser durant les douze derniers mois n'a jamais été aussi élevé.» Conscient du danger, le ministre de l'Intérieur défendra son bilan sécuritaire lors d'une rare conférence de presse, le 8juin prochain.

Le fait que certains poids lourds socialistes approuvent le discours de Ségolène Royal illustre le nouveau rapport de force au sein du PS. «Ses concurrents vont mal», commente un universitaire proche du parti. «Le livre de Strauss-Kahn* est un flop, Lang et Fabius ne décollent pas.» D'autres candidats potentiels, comme l'ancien premier ministre Lionel Jospin ou Martine Aubry, la mère des 35 heures, tardent à se déclarer. Son compagnon François Hollande, qui nourrit aussi quelques ambitions, est dans une situation délicate: «Il n'a pas envie de jouer le rôle de «first lady» mais il aime vraiment Ségolène», explique l'universitaire précité.

Il reste désormais très peu de temps aux concurrents de «Ségo» pour devancer celle que les sondages présentent unanimement comme la politicienne la plus populaire de France. Les trois prochains mois seront décisifs. D'ici à fin août, l'opinion des militants du PS, à qui reviendra le choix du candidat socialiste à la présidentielle, risque d'être définitivement arrêtée.

Pour l'heure, les adversaires de Ségolène Royal au PS en sont réduits à compter sur un débat télévisé qui exposerait les faiblesses de la candidate - une certaine rigidité dans l'expression, par exemple - ou sur une hypothétique «casserole» qu'exhumerait un journaliste en fouinant dans sa vie privée. L'un des stratèges du camp anti-Ségolène, Jean-Christophe Cambadélis, a lancé cette mise en garde: «Nous le savons tous, il y a une bulle sondagière avec des soutiens inconstants. Le dire ce n'est pas porter atteinte à [Ségolène Royal], c'est déciller la gauche. Nous n'avons pas encore battu Sarkozy.»

*«365 jours, Journal contre le renoncement», Paris, Grasset, 2006.