Pédophilie: procès demandé pour un Français accusé de récidive sous couvert d'humanitaire en Asie
Justice
Il évoquait des actions humanitaires pour les «défavorisés» au Népal ou au Cambodge: le parquet de Paris a demandé un procès pour Philippe G., un homme déjà condamné pour des agressions pédophiles et accusé d'avoir récidivé sur des dizaines de jeunes garçons lors de ses voyages

La liste des victimes potentielles s'égrène dans le réquisitoire définitif du parquet de Paris en date du 3 avril consulté par l'AFP: seize garçons népalais, dix Cambodgiens. Parmi eux, V., âgé d'à peine six ans quand, selon ses déclarations aux enquêteurs, Philippe G. l'aurait masturbé dans un orphelinat et lui aurait donné «un collier en forme d'éléphant ainsi que des bonbons et des gâteaux».
Âgé de 50 ans, Philippe G. a passé sa vie professionnelle à travailler auprès d'enfants et adolescents. Au début des années 2000, il agresse sexuellement plusieurs garçons d'une dizaine d'années dans une colonie de vacances. Le tribunal correctionnel de Thonon (Haute-Savoie) le condamne en 2005 à trois ans de prison, dont la moitié avec sursis.
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Soumis à une obligation de soins, il travaille ensuite dans un camping, dont il est écarté après que des clients se soient plaints de son comportement à la piscine avec les enfants. En 2008, il part au Népal pour six mois. A son retour en France en 2009, il crée «Philmy voyageurs solidaires». Sur le blog de l'association, créée avec l'aide de membres de sa famille et de proches, Philippe G. vante les actions éducatives ou humanitaires au Népal, au Cambodge, au Laos ou en Inde auprès des «populations les plus défavorisées».
Mais derrière de réelles activités humanitaires, il impose des masturbations ou des fellations à des garçons d'une dizaine d'années, parfois moins, lors de douches ou en dormant la nuit parmi eux.
Archétype du pédophile
Une ONG népalaise spécialisée, Saathi, observe Philippe G. en compagnie de plusieurs enfants dans différents hôtels et lieux publics de Katmandou, puis rédige un rapport alertant les autorités françaises en mai 2014. En France, des donateurs découvrent alors son passé judiciaire sur Facebook quand une dépêche AFP de 2005 relatant sa condamnation est publiée sur la page de «Philmy». Après de nouveaux signalements, la justice française ouvre une enquête en mars 2015.
Un temps en cavale, Philippe G. est interpellé en France, puis mis en examen et écroué. En garde à vue, confronté aux accusations des mineurs népalais et cambodgiens, Philippe G. nie d'abord les faits: il contrôlerait désormais son attirance sexuelle pour les jeunes garçons grâce à son suivi thérapeutique.
Quelques semaines plus tard, Philippe G. reconnaît finalement devant le juge d'instruction des "attouchements sexuels" sur plusieurs garçons. S'il n'avait pas avoué jusqu'alors c'est à cause, dit-il, du soutien de membres de sa famille qui le pensaient guéri.
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«On est dans l'archétype du pédophile: «Monsieur Tout-Le-Monde», capable de berner gentiment les autres, de laisser croire que c'est le Bon Samaritain», relève Me Stéphanie Chabauty, qui défend les enfants cambodgiens pour l'association Famille Assistance. «Comment a-t-on pu laisser un homme déjà condamné pour des violences sexuelles sur mineurs monter une association dans le but d'aider des mineurs ?» s'interroge Me Joseph Breham, avocat d'enfants népalais, pour qui cette affaire marque «l'échec absolu de notre système judiciaire de protection de l'enfance».
«Défaillance majeure» des autorités françaises
Pour sa consoeur Me Noémie Saidi-Cottier, qui défend l'Ecpat, association de protection de l'enfance, c'est une «défaillance majeure» des autorités françaises, alors même que cet homme était inscrit au fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes. L'avocate espère d'un éventuel procès, outre une condamnation, une indemnité pour aider les enfants «à se reconstruire».
Outre ACPE et l'Ecpat, des associations de protection de l'enfance, 22 enfants sont en effet parties civiles. Contacté, l'avocat de Philippe G. n'a pas répondu à l'AFP. Il revient désormais à la juge d'instruction en charge du dossier de prendre une décision sur la tenue d'un procès en correctionnelle.
En 2016, un Français a été condamné à 16 ans de réclusion criminelle par les assises de Versailles, pour avoir violé ou agressé sexuellement au moins 66 garçons à l'étranger. Il s'était rendu dans ces pays lors de voyages «humanitaires» ou «touristiques».