Le Pentagone renforce son dispositif en Irak
Monde arabe
Les Etats-Unis vont envoyer des forces spéciales pour effectuer des raids contre l’Etat islamique. Bagdad proteste

Par petites touches, l’administration américaine adapte sa stratégie contre l’organisation Etat islamique (EI), tirant les leçons des échecs enregistrés depuis un peu plus d’un an. Le secrétaire à la défense, Ashton Carter, a ainsi indiqué au Congrès mardi que les Etats-Unis allaient envoyer côté irakien des forces spéciales chargées «de mener des raids, de libérer des otages, de collecter des renseignements et de capturer des dirigeants» de l’organisation djihadiste. Ashton Carter n’a donné aucune précision sur la taille de ce contingent, ni sur son casernement, tout en laissant entendre qu’il stationnerait sur le territoire irakien.
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Selon la presse américaine, citant des sources militaires anonymes, ce sont près de 200 militaires qui pourraient être envoyés sur le terrain. Ils seraient basés, selon ces mêmes sources, dans la partie kurde du pays. Cette annonce survient un mois après une décision similaire pour la Syrie (50 militaires) et deux mois après l’arrêt d’un programme coûteux de formation de combattants syriens qui avait tourné au fiasco.
Ce recours, pour l’instant modeste, à des forces spéciales modifie graduellement la nature de l’engagement américain. Contre l’avis de son chef d’état-major d’alors, Martin Dempsey, le président Barack Obama avait exclu catégoriquement en 2014, en présentant sa stratégie pour «affaiblir et finalement détruire» l’EI, que des soldats américains renouent avec des missions de combat au sol en Irak.
Les 3500 militaires, déployés dans le pays à la suite de l’expansion territoriale brutale de l’EI, ont d’ailleurs été cantonnés jusqu’à présent à l’encadrement d’une armée irakienne malmenée par la milice djihadiste.
Agir «unilatéralement» en Syrie
Les «raids» dont Ashton Carter a annoncé la multiplication il y a deux mois montrent que le sujet n’est plus tabou. Le secrétaire à la Défense a précisé mardi que ces forces spéciales ne se limiteront pas à l’appui de troupes régulières irakiennes, mais qu’elles pourraient agir «unilatéralement» en Syrie.
Ces unités devraient enfin être chargées de collecter du renseignement pour augmenter l’efficacité des bombardements aériens. Le Pentagone a érigé en exemples le raid en Syrie qui a visé en mai un cadre de l’EI, tué au cours de l’opération, et celui qui a permis de libérer des prisonniers, en octobre, dans le nord de l’Irak. Cette opération avait coûté la vie à un soldat américain chargé d’encadrer le commando kurde qui l’avait conduit.
Cette annonce s’inscrit dans le cadre de «l’intensification» promise notamment après les attentats de Paris, revendiqués par l’Etat islamique. Aux critiques récurrentes venant du Parti républicain s’étaient ajoutées après le 13 novembre de nombreuses voix démocrates, comme celles des élus de Californie Dianne Feinstein et Adam Schiff. Ces derniers avaient demandé l’un comme l’autre un effort militaire plus intensif contre l’organisation djihadiste.
Mécontentement
Mais la décision américaine s’est heurtée mardi à un obstacle inattendu: le mécontentement du premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, qui a remplacé en août 2014 Nouri al-Maliki à la suite notamment de fortes pressions américaines.
Haïder Al-Abadi a estimé que l’Irak n’avait pas besoin de troupes supplémentaires et que tout déploiement devait recevoir au préalable l’assentiment de son gouvernement. Le premier ministre a sans doute été contraint de prendre ses distances vis-à-vis des Etats-Unis, compte tenu de la réaction violente d’importantes milices chiites à l’annonce de l’envoi de ces forces spéciales. Ces dernières ont assuré être prêtes à lutter les armes à la main contre le contingent américain.