«Popeye», au menton proéminent et aux 565 victimes, sort de taule. L’un des plus redoutés et des derniers lieutenants vivants du grand criminel Pablo Escobar, est depuis mardi en liberté conditionnelle après 23 années de captivité et 3500 euros versés en caution.

«Mon âme est morte»

A 52 ans, il quitte la routine de sa prison, la chambre rangée avec son chapelet au mur, le café chaud et la toilette à l’eau froide, la prière et l’exercice physique, le lecteur dvd et les films d’action qui l’amusent, lui qui en a fait bien plus que tous les scénarios de fiction réunis. «Mon âme est morte» se confie sur RevistaDonJuan.com celui qui «n’ai jamais lâché une larme». Car «le tueur porte un monstre en lui» déclare-t-il à La Nacion en 2010. Impliqué dans une pléthore d’enlèvements et d’attentats, dont celui d’un avion de ligne, commanditaire de plus de 3000 meurtres mais condamné pour un seul, sa détention s’achève pour bonne conduite. Malgré les protestations de nombreux parents de victimes, d’autres pensent qu’il a payé sa dette à la société, rapporte le Télégraph.

Escorté, protégé, surveillé

Des diplômes passés en prison, des demandes de pardon aux défunts, des collaborations avec la police pour coincer des cartels ennemis ont conduit le bras droit du mythique baron de la drogue, Pablo Escobar, à espérer mener enfin une «vie normale». Escorté, protégé, surveillé, bientôt pourchassé par la vengeance implacable d’anciens rivaux, il déclare pourtant vouloir faire, demain, des choses toutes simples, comme «retrouver son fils, et manger une glace.» «J’ai 80% de chance d’être tué à ma sortie» a-t-il dit à Associated Press. Malgré tout, il pense déménager à l’étranger, vendre à Hollywood les droits d’une autobiographie qu’il écrirait. Et puis «enseigner aux jeunes qu’ils n’ont pas à vendre leur vie pour une Mercedes-Benz ou le pantalon d’une reine de beauté, comme je l’ai fait», selon Colombia Reports.

«J’ai vu Dieu»

Mais sa libération ravive des fantômes douloureux pour le pays, toujours en proie à la violence liée au trafic de drogue. Ceux de l’âge d’or des parrains des années quatre-vingt et du sanglant cartel de Medellín, avec à sa tête le roi de la cocaïne, «le patron du mal», «le pire cauchemar de la Colombie»: Pablo Escobar, narcotrafiquant qui déclara la guerre à l’état Colombien, causant des milliers de morts. Classé en 1989 septième homme le plus riche du monde d’après Forbes avec une fortune estimée à 3 milliards $7, son cartel contrôlait 80% du trafic mondial de cocaïne. Lorsque John Jairo Velasquez Vasquez pénètre à 18 ans dans le saint des saints, l’Hacienda Napoles, et découvre des armes, des belles femmes, des animaux exotiques, c’est une révélation qui s’opère à la vue du chef du cartel: «Honnêtement, j’ai vu Dieu» raconte-t-il à la presse colombienne. Un culte qu’une partie de la population partage encore, idolâtrant Pablo Escobar en une sorte de Robin des Bois colombien qui lançait des opérations en faveur des plus pauvres.

Tueur à gage préféré

Fidélité, discipline, la dévotion de «Popeye» le mène jusqu’au rang de tueur à gage favori du légendaire narcotrafiquant, avec sa fierté, «j’étais un homme violent, nous étions des tueurs, mais des tueurs de qualité, des assassins professionnels», son code d’honneur et son éthique: «on n’assassine jamais quelqu’un qui est avec un enfant» déclare-t-il aux journalistes venus l’interroger en prison. «Le pays pourra-t-il lui pardonner?» se demandent les médias du pays, alors que l’homme qui se décrit comme «honnête et décent» garde une admiration intangible pour son ancien patron: «si Pabléo devait renaître, je le suivrai sans une hésitation» dit-il à El Tiempo en 2013. Car «personne n’échappe à Pablo Escobar» dit en conclusion Paradise Lost, le film au budget affiché de 17 millions de dollards qui sort le 5 novembre prochain sur le géant de la drogue.