En tirant des coups de feu en l’air et en se montrant menaçants, les gardes-côtes libyens ont-ils délibérément mis en danger les équipes du navire Ocean Viking de l’ONG SOS Méditerranée pour l’empêcher d’effectuer un sauvetage? Plus de 80 migrants qui tentaient de rejoindre l’Europe ont au final été ramenés vers les côtes libyennes. Leur sort demeure plus qu’incertain. L’incident de samedi a aussitôt déclenché de vives réactions. Une question est sur toutes les lèvres: le navire des gardes-côtes libyens, un ancien bateau de la police italienne, n’était-il pas en partie «financé» par l’UE? Voilà une nouvelle polémique qui vient alimenter la difficile question de la gestion de la migration.

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Les limites de Dublin

Mardi, le Parlement européen s’est une nouvelle fois penché sur la réforme de l’asile de l’UE. Avec, toujours au cœur des préoccupations, la solidarité entre Etats membres. Les pays comme Malte, l’Italie, la Grèce ou l’Espagne sont logiquement les plus touchés par les vagues de migration, et le système Dublin, qui veut que les pays par lesquels les migrants arrivent en premier soient responsables des demandes et obligés de les reprendre s’ils partent ailleurs en Europe, a montré ses limites.

En septembre 2020, la Commission européenne a présenté son «Pacte sur la migration et l’asile», pour proposer une meilleure répartition des requérants. Un document qui fait depuis l’objet d’âpres discussions. Les quatre textes adoptés mardi par la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement ne font que précéder des négociations avec les Etats membres qui s’annoncent difficiles. Et le but affiché reste d’aboutir à un accord final avant les élections européennes du printemps 2024.

Un vote «historique»

Mais pour le Suédois Tomas Tobé (PPE, droite), le vote de mardi est bien «historique». «Nous sommes face à un choix: soit l’UE va vers une impasse dans le domaine de la politique migratoire, soit nous nous efforçons de trouver des solutions constructives et communes. Et aujourd’hui, le Parlement a pris la responsabilité d’aller de l’avant. Des compromis ont pu être trouvés», a commenté devant la presse le rapporteur du texte central.

Si la réforme prévoit par exemple un mécanisme de solidarité obligatoire, Tomas Tobé a précisé que les relocalisations de migrants au sein de l’Europe sont certes un bon moyen de réduire la pression migratoire, mais que d’autres formes de solidarité sont possibles, par exemple un soutien financier, matériel ou humain. En cas de crise aiguë et d’afflux soudain, les relocalisations resteraient toutefois la seule option imposée.

«Le Parlement européen vient d’adopter un ensemble de règles pour l’asile et la migration. Une priorité forte de Renew Europe. Face au discours simpliste de l’extrême droite, nous répondons par une politique équilibrée entre solidarité et responsabilité», a réagi de son côté, sur Twitter, l’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe, centristes et libéraux), rapporteure de l’un des textes.

Des demandes d’asile en hausse

Le 9 mars, malgré des différences majeures oscillant entre tentations de se barricader et aspirations à plus de solidarité, les ministres de l’Intérieur de l’UE ont promis de s’entendre sur une position commune d’ici à juin. La veille de la réunion à laquelle participait la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider, la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas et la Suisse ont signé une déclaration commune demandant une gestion plus rigoureuse des flux migratoires et des mesures «contre les mouvements migratoires incontrôlés».

De nouvelles tensions risquent de poindre. Alors que des pays comme l’Autriche réclament que l’UE finance des clôtures anti-migrants à ses frontières externes, il n’y a désormais plus que quelques mois pour aboutir à un texte définitif, qui propose de vraies solutions. Avec le printemps qui revient, le thème est d’autant plus d’actualité. Les demandes d’asile sont reparties à la hausse au sein de l’UE, alors que l’Organisation internationale des migrations (OIM) qualifie toujours la Méditerranée de route migratoire la plus dangereuse du monde.

L’an dernier, 881 200 demandes ont été déposées au sein de l’UE, selon les données d’Eurostat. Soit une augmentation de 64% par rapport à 2021. On n’est désormais plus très loin des pics enregistrés en 2015 et 2016 (plus d’1,2 million de demandeurs les deux années) liés à la guerre en Syrie. En 2022, c’est l’Allemagne qui a absorbé près de 25% des nouvelles demandes, suivie de la France (16%), de l’Espagne (13%), de l’Autriche (12%) et de l’Italie (9%). La Hongrie, qui applique une politique anti-migrants stricte, est sans surprise le pays de l’UE qui a enregistré le moins de demandes d’asile: 45 au total. Pas une de plus.