Au Portugal, les mots très forts de Benoît XVI
scandales pédophiles
Le «pêché» existe au sein de l’Eglise et «le pardon ne remplace pas la justice»: ce sont des mots très forts que Benoît XVI a utilisés, auprès de journalistes, lors de son voyage au Portugal, rompant avec la stratégie observée par le Vatican depuis le début des scandales de pédophilie
Benoît XVI s’est démarqué des responsables de l’Eglise catholique qui jouent la forteresse assiégée face à la révélation en cascade de scandales pédophiles, en affirmant que cette «persécution» ne venait pas «d’ennemis extérieurs» mais de son propre «péché».
«Nous l’avons toujours su mais nous voyons aujourd’hui de façon beaucoup plus terrifiante que la plus grande persécution de l’Eglise ne vient pas d’ennemis extérieurs mais naît du péché de l’Eglise», a déclaré le pape dans l’avion qui le conduisait au Portugal où il effectue une visite de quatre jours.
En assumant ainsi la responsabilité de l’Eglise dans les nombreux abus sexuels commis par des prêtres, souvent couverts par leur hiérarchie, le pape a pris le contre-pied du système de défense érigé jusqu’à présent par certains membres du Vatican.
Au moment de Pâques, plusieurs cardinaux ainsi que de hauts responsables avaient dénoncé aussi bien les médias et leur «grossière propagande contre le pape et les catholiques» que les méfaits de la révolution sexuelle de 1968. Le prédicateur du Vatican, le soir du Vendredi saint, était allé jusqu’à comparer les attaques contre l’Eglise à de l’antisémitisme.
Accueil chaleureux
Ignorant pour la plupart les déclarations papales, des dizaines de milliers de personnes s’étaient massées, parfois depuis plusieurs heures, le long du parcours prévu pour le pape dans Lisbonne, ainsi qu’aux abords des sites des principales cérémonies. «Vive le pape», criaient les fidèles, au passage parfois jugé «trop rapide» de la papamobile dans laquelle Benoît XVI avait revêtu, dès le milieu d’après-midi, sa mosette blanche bordée d’hermine, pour se protéger d’une inhabituelle fraîcheur (17°C).
«Les scandales pédophiles sont loin de me laisser indifférente», reconnaissait avec tristesse Leonor Ferreira. «Cela n’affecte pas ma foi, mais je préfère ne pas en parler», confiait cette catholique pratiquante. «Il y a une grande confusion au sein de l’Eglise, j’espère que ça va passer», renchérissait un peu plus loin Maria da Saude, 85 ans, appuyée sur sa canne.
Après la tourmente des derniers mois, l’épiscopat portugais avait appelé à la mobilisation de «tous les Portugais, catholiques ou non» pour qu’ils apportent leur soutien au pape, au cours de son séjour de quatre jours dans le pays.
Premier voyage depuis le début de la crise
En dehors d’un voyage éclair mi-avril sur la petite île de Malte, c’est en effet la première fois, depuis le début du scandale pédophile, que Benoît XVI peut tester, hors du Vatican, la ferveur de ses fidèles.
Mercredi en fin d’après-midi, quelque 80’000 personnes étaient massées sur le Terreiro do Paço, place emblématique de Lisbonne, située en bordure de Tage, tandis que des dizaines de milliers d’autres se pressaient devant six écrans géants installés dans les rues avoisinantes.
«Aucune puissance adverse ne pourra jamais détruire l’Eglise», a assuré le pape à ses ouailles, les appelant à prêcher «de nouveau avec vigueur et joie» l’évangile. «La place que le Portugal s’est acquise parmi les nations pour le service offert à la diffusion de la foi est glorieuse», a rappelé Benoît XV, qui a rendu un vibrant hommage à l’action missionnaire de l’Eglise portugaise dans le passé.
Un laboratoire
Le pape a toutefois mis en garde l’épiscopat portugais, en évoquant ceux qui «se préoccupent fébrilement des conséquences sociales, culturelles et politiques de la foi, prenant pour acquis que la foi existe».
Officiellement catholique à plus de 88%, le Portugal a connu au fil des ans une forte baisse de la pratique religieuse et moins de la moitié des Portugais (44%) se marient aujourd’hui à l’église. Plus encore, le mariage homosexuel, voté en février dernier, pourrait entrer en vigueur dans les tout prochains jours, trois ans après la légalisation de l’avortement.
Pour autant, le gouvernement socialiste n’a pas ménagé son soutien à cette «visite d’Etat» et a accordé, malgré la crise budgétaire, un congé exceptionnel aux fonctionnaires de Lisbonne. Jeudi, les agents de l’Etat, à travers tout le pays, seront de nouveau en congé pour pouvoir participer aux célébrations de Fatima, symbole du Portugal catholique et coeur du pélerinage papal.