Pour son premier sommet du G8, Vladimir Poutine a placé les enchères assez haut puisqu'il compte y réclamer, en outre, l'annulation de la dette des pays les plus pauvres dont l'ex-URSS était un créancier majeur. Un appel de nature à contraindre ses partenaires à faire de nouvelles concessions sur ce dossier, cher aux dirigeants de plusieurs pays en voie de développement invités par le gouvernement japonais à la veille de la rencontre d'Okinawa. Reçus hier à Tokyo par le premier ministre Yoshiro Mori, ils ont répété leur désir de voir cette cause avancer enfin. Celle-ci est défendue au sein de la société civile par la coalition Jubilé 2000 qui a multiplié les initiatives au Japon. «J'aimerais pouvoir dépenser ces sommes pour les programmes de santé ou d'éducation. Mais je ne pourrai le faire que si vous, créanciers, cessez de me harceler», a déclaré avec émotion le président nigérian, Olusegun Obasanjo, lors de la réunion à laquelle assistaient Jacques Chirac et Tony Blair.
Difficile donc de croire que, lors de leur week-end de discussions dans l'enceinte du Bankoku Shinryokan, le centre de conférences spécialement construit pour l'occasion, les dirigeants du G8 se contenteront de passer en revue les sujets défrichés au préalable par leurs «sherpas», tels que la cybercriminalité ou la nécessité de lutter davantage contre la propagation des maladies infectieuses et du sida. «Le principe du G8 est un peu celui du café du Commerce, lâche un diplomate. Dès qu'un problème s'impose dans l'actualité, il domine les discussions au détriment de toutes les belles propositions rédigées par les experts…» Le Japon en a tiré les conséquences. Dans les jours précédant la réunion, ses diplomates ont rédigé à la hâte une proposition de soutien économique accru aux pays du Proche-Orient engagés dans le processus de paix. Une initiative destinée à répondre au sommet israélo-palestinien de Camp David et à démontrer que Tokyo peut aussi se faire l'avocat de régions éloignées de sa sphère naturelle d'influence.
Sujet sensible: les GI's
Comme tout G8 qui se respecte, celui-ci aura sa part d'ombre: entendez, sa part de discussions confidentielles lors des rencontres bilatérales. Après la décision de Bill Clinton, retenu jusqu'à la dernière minute à Camp David, de se rendre directement à Okinawa sans l'escale prévue à Tokyo où il devait rencontrer Yoshiro Mori, le premier ministre japonais profitera du sommet pour tenter d'obtenir du président américain un calendrier pour la diminution progressive des forces militaires américaines au Japon. Une réduction qui devrait s'accompagner, aux termes des dernières discussions nippo-américaines, d'une diminution de la contribution financière du gouvernement japonais qui, depuis les années 50, prend en charge tous les frais occasionnés par la présence des GI's. Un sujet particulièrement sensible à Okinawa. Les dirigeants du G8 ont été accueillis, hier après-midi, par une impressionnante chaîne humaine de 27 000 personnes venues ceinturer la base aérienne de Kadena, pour crier haut et fort leur désir de voir partir un jour les 26 000 «boys» toujours présents sur l'île.