La condamnation vendredi 4 août à 25 ans de prison de Julio Simon (66 ans) - un des tortionnaires de la dictature argentine qui a fait 30000 victimes entre 1976 et 1983 - est historique. Pour la première fois depuis l'annulation en juin 2005 par la Cour suprême des lois dites «du pardon», qui garantissaient depuis la fin des années 1980 l'impunité des militaires ou policiers argentins accusés d'avoir éliminé des milliers d'opposants, l'un d'entre eux est finalement condamné pour atteinte aux droits de l'homme.

Connu sous le sobriquet de «Julian le Turc», cet ancien policier était accusé de l'enlèvement, de la torture et de la disparition d'un couple de jeunes militants péronistes (du nom de l'ancien président argentin et figure symbolique du pays), mais aussi du rapt de leur enfant en 1978, deux ans après le coup d'état militaire. «Ce verdict clôt les nombreuses tentatives pour assurer l'impunité des assassins de la dictature.

Cette condamnation juste a été rendue possible grâce aux efforts des survivants, des familles des victimes, des organisations des droits de l'homme et des pressions de la société argentine», affirmait à la sortie du tribunal Horacio Verbitsky, président du Centre d'études légales et sociales (CELS), une ONG qui se bat inlassablement pour que les criminels de la dictature soient jugés.

Symbole de la répression illégale, Julio Simon a toujours revendiqué ses actes, y compris les plus ignominieux, pensant être à l'abri de poursuites judiciaires. Lors de la première journée de son procès, la cour a diffusé une de ses interventions télévisées dans laquelle il reconnaissait: «Oui, j'ai aidé à freiner la horde assassine venue de l'extérieur. Le critère général était de tuer tout le monde. Je ne regrette rien, et si c'était nécessaire, je recommencerais.»

Malgré ses apparitions publiques, Julio Simon n'est arrêté qu'en juillet 2000. A l'époque il est inculpé de l'enlèvement en 1978 de Claudia Victoria Poblete, alors âgée de 8 mois, et d'avoir «remis» la petite fille à un couple de militaires. Le rapt d'enfant est le seul crime de la dictature dont les lois «d'obéissance due» et de «point final» promulguées en 1987 et 1989 ne protègent pas les auteurs. Conséquence: Julio Simon évite l'inculpation pour l'enlèvement, les tortures et la disparition des parents de la fillette, José Poblete et Gertrudis Hlaczik. Il ne sera rattrapé par la justice qu'en 2005 après que les lois «du pardon» eurent été déclarées inconstitutionnelles par la Cour suprême.

Ce procès n'est que le premier d'une longue série. Selon le Ministère argentin de la justice, 958 procédures pénales pour des crimes contre l'humanité commis entre 1978 et 1983 ont été enregistrées. Un peu plus de 500 personnes (dont 211 actuellement détenues) sont accusées de tortures, d'enlèvements et d'homicides commis dans 498 centres de détentions clandestins. Le procès le plus attendu est celui des responsables de l'ESMA, Ecole de mécanique de la Marine argentine, le plus important centre de détention de la dictature, situé dans les beaux quartiers de Buenos Aires d'où auraient disparu 5000 opposants.