Le président brésilien se place en médiateur
nucléaire iranien
Lula da Silva entame ce dimanche une visite officielle de deux jours en Iran. Il entend jouer les médiateurs entreTéhéran et le groupe des «5+1»
Lula joue son prestige sur le dossier iranien. Le président brésilien entame ce dimanche une visite officielle de deux jours à Téhéran avec une mission difficile: tenter de convaincre l’Iran de lâcher du lest sur son programme nucléaire. Lula veut jouer les médiateurs entre le pouvoir iranien et le groupe des «5+1» (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne), qui traite le dossier.
Privilège réservé aux alliés du régime, il sera reçu par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, et non pas seulement par son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad ou le président du parlement Ali Larijani. Le Brésil, qui siège pour deux ans au Conseil de sécurité, s’oppose à de nouvelles sanctions, jugées «contre-productives».
«Volonté d’avancer»
Dépêchée à Brasilia, début mars, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton n’a pas réussi à faire changer Lula d’avis. Pour ce dernier, toutes les possibilités de dialogue n’ont pas été épuisées. Son ministre des Affaires étrangères, Celso Amorim, qui s’est rendu à Téhéran fin avril, avait décelé chez ses interlocuteurs «une volonté d’avancer».
De concert avec la Turquie, également opposée à de nouvelles sanctions, le Brésil tente de relancer la proposition formulée fin 2009 par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour tester la bonne foi de l’Iran, qui soutient que son programme est pacifique. Il s’agissait d’envoyer le gros de l’uranium iranien à l’étranger où il serait enrichi à 20%, niveau qui permettrait son utilisation à des fins strictement médicales. Cet uranium serait ensuite réexpédié vers l’Iran. Les discussions avaient capoté, Téhéran ayant tenté de modifier les termes de l’offre, qui visait à le priver de stocks suffisants pour mettre au point l’arme nucléaire. Les pourparlers menés dernièrement avec Brasilia et Ankara auraient en revanche débouché sur «une nouvelle formule capable de paver la voie à un accord», a indiqué cette semaine un porte-parole iranien.
Le Brésil, qui brigue un siège permanent au Conseil de sécurité, cherche à s’affirmer sur la scène internationale tout en se démarquant de Washington. D’où sa volonté d’intervenir sur la question iranienne.
Lula avait reçu Mahmoud Ahmadinejad à Brasilia, en novembre dernier. A Téhéran, il ne verra pas les dissidents iraniens, malgré une requête en ce sens adoptée par la Commission des relations extérieures du parlement brésilien. C’est l’idée qu’il semble se faire de la neutralité exigée d’un médiateur. «Je veux pour l’Iran la même chose que je veux pour le Brésil», répète le chef de l’Etat. A savoir, le droit à un programme nucléaire exclusivement civil.
Scepticisme
Le Brésil a le sien – à des fins médicales et de production d’énergie – et sa Constitution exclut toute possibilité de détenir l’arme nucléaire. «L’Iran doit pouvoir maintenir des activités nucléaires pacifiques, mais la communauté internationale doit obtenir des garanties qu’il n’y aura pas détournement vers un usage militaire», précise de son côté le ministre Celso Amorim.
L’initiative brésilienne est néanmoins accueillie avec scepticisme, dans les grandes capitales comme au Brésil. «Lula croit pouvoir réussir là où le monde a échoué», résume le magazine Veja . Mercredi, la Russie et la France ont manifesté leur soutien aux efforts diplomatiques brésiliens. Mais quelques jours plus tôt, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, avait émis la crainte que Lula soit abusé par un régime soupçonné de tenter de gagner du temps pour éviter un nouveau train de sanctions.