L’avion transportant le président polonais Lech Kaczynski s’est écrasé samedi à son atterrissage près de Smolensk, dans l’ouest de la Russie. Nonante-six personnes ont perdu la vie dans cet accident qui serait dû à une erreur du pilote.

«Il n’y a pas de survivants dans la catastrophe», a indiqué le gouverneur de la région russe Sergueï Antoufiev à la chaîne de télévision Vesti-24. Un responsable russe a de son côté affirmé que le président Kaczynski était mort.

En s’approchant de la piste d’atterrissage, «l’avion s’est accroché à des arbres, est tombé et s’est décomposé», a déclaré Sergueï Antoufiev. «Il y avait 85 membres de la délégation et l’équipage à bord», a-t-il ajouté.

Epais brouillard

L’accident s’est produit à l’extrémité de la ville de Petchorsk de la région de Smolensk «dans la situation d’un fort brouillard», a précisé un responsable du département d’enquête du parquet, Vladimir Markin, cité par l’agence RIA Novosti. Selon les agences de presse russes, les enquêteurs soupçonnent une erreur du pilote.L’agence Interfax a rapporté que les autorités russes proposaient à l’équipage polonais d’atterrir à Minsk ou à Moscou en raison du brouillard, mais le pilote a décidé d’atterrir près de Smolensk. L’avion s’est écrasé lors de la quatrième tentative d’atterrissage, selon Interfax.

La télévision russe a diffusé en direct les images des débris de l’appareil, un Tupolev TU-154, éparpillés dans une forêt et dont certaines parties étaient toujours en feu. On y apercevait des débris encore fumants de l’appareil éparpillés dans la forêt, tels une aile brisée et une partie du train d’atterrissage, ainsi que des secouristes russes et des pompiers avec des pompes à incendie, versant de l’eau sur des éléments de l’avion en feu.

Pour l’ancien président polonais Lech Walesa, cet accident est «une tragédie inimaginable, un malheur inimaginable». «Il y a 70 ans à Katyn, les Soviétiques ont éliminé les élites polonaises. Aujourd’hui l’élite polonaise y a péri, alors qu’elle se rendait pour rendre hommage aux Polonais tués» en 1940, a-t-il déclaré à l’AFP.

Nombreux hauts responsables

Lech Kaczynski se rendait à Katyn, près de Smolensk, pour rendre hommage aux prisonniers de guerre et aux intellectuels polonais exécutés au printemps 1940, quelques mois après le démantèlement de la Pologne par l’Allemagne nazie et l’Union soviétique.

Outre Lech Kaczynski et son épouse, de nombreux hauts responsables polonais se trouvaient dans l’appareil, dont le chef de l’armée Franciszek Gagor, le vice-ministre des affaires étrangères Andrzej Kremer, le président de la banque centrale, Slavomir Skrzypek, et l’ex-président en exil à Londres Ryszard Kaczorowski.

Le président russe Dmitri Medvedev, «immédiatement informé» du crash, a dépêché le ministre des Situations d’urgence Sergueï Choïgou sur les lieux du drame, a indiqué le service de presse du Kremlin cité par les agences russes.

Le gouvernement polonais organisera prochainement une élection présidentielle anticipée, a annoncé samedi son porte-parole. Le scrutin doit avoir lieu dans les deux mois, selon les juristes.

«Conformément à la constitution, nous allons devoir organiser une élection présidentielle anticipée. Pour l’instant, le président de la chambre basse du Parlement, Bronislaw Komorowski, est automatiquement président par intérim», a déclaré le porte-parole du gouvernement, Pavel Gras.

La date du scrutin doit être fixée dans les deux semaines et il doit avoir lieu dans les deux mois, selon les spécialistes du droit constitutionnel.

Interrogé par Reuters, l’ambassadeur de Pologne en France Tomasz Orlowski ne croit toutefois pas que ce délai puisse être tenu. «Il nous faut probablement au moins trois mois pour préparer le suffrage», a estimé cet ancien chef du protocole de la présidence polonaise.

Le président polonais Lech Kaczynski, décédé samedi à 60 ans, était un juriste conservateur et profondément catholique. Comme son frère jumeau Jaroslaw, il s’était engagé dès la fin des années 1970 dans l’opposition anticommuniste et avait rejoint le mouvement Solidarité de Lech Walesa.

Ces deux jumeaux identiques, fondateurs du parti Droit et Justice (PiS), ont gouverné ensemble la Pologne de juillet 2006 à novembre 2007, Lech comme président, Jaroslaw comme premier ministre.

Lech Kaczynski, dirigiste, prônait la réconciliation avec la Russie et l’Allemagne, tout en exploitant la peur chez certains polonais de leurs deux grands voisins. Il prônait également une réforme en profondeur de la Pologne, «dans la justice, la solidarité et l’honnêteté».

Lors de sa victoire électorale de 2005, Lech Kaczynski expliquait que son frère, son aîné de 45 minutes, l’avait «toujours poussé en avant». Pour ne pas entraver la marche de Lech vers la présidence de l’Etat, Jaroslaw avait renoncé en 2005 au poste de premier ministre. Mais il avait gardé des leviers de commande et principalement le poste très influent de président du parti.

Lech et Jaroslaw ont fait un parcours professionnel et politique quasi similaire, commencé à l’âge de douze ans quand ils ont interprété des jumeaux dans un film pour enfants, intitulé «L’histoire des petits voyous qui ont décroché la lune».

Son engagement contre le communisme au pouvoir avait valu à Lech d’être interné avec des milliers de militants de Solidarité, lors de l’imposition de la loi martiale, le 13 décembre 1981.

Relâché au bout de onze mois, il était devenu, avec son frère, très proche collaborateur du chef historique du premier syndicat libre du monde communiste, Lech Walesa, avant de se brouiller avec lui au début des années 1990.

«Sur le plan politique, on a les mêmes opinions. Elles sont nées du patriotisme que nos parents, membres de la résistance pendant la Seconde guerre mondiale, nous ont transmis», avait confié Lech Kaczynski.

Pourtant, «nous ne sommes pas tout à fait identiques», disait Lech, marié, père d’une fille et grand-père, alors que Jaroslaw était célibataire et vivait avec leur mère.