Ce changement d'attitude de la part du «leader» Kim Jong-il s'explique en partie par la pression de ses alliés traditionnels que sont la Chine et la Russie depuis plusieurs mois. Ces deux grands voisins ne veulent pas entendre parler d'une «nucléarisation» de la péninsule coréenne. En avril dernier, Pékin était parvenu à organiser une première rencontre à trois, sans résultats tangibles.
L'actuelle crise a démarré en octobre dernier lorsque les Etats-Unis ont révélé que Pyongyang poursuivait un programme nucléaire secret en violation d'un accord international remontant à 1994. Sans jamais avouer, la Corée du Nord a toutefois toujours affirmé son droit à se défendre «par tous les moyens» contre une agression américaine. Le régime stalinien s'estime menacé depuis que George Bush l'a inclus dans un «Axe du mal» contre lequel Washington pourrait mener une guerre préventive.
Entre-temps, Pyongyang a procédé au redémarrage d'une centrale nucléaire capable de produire du plutonium à des fins militaires et expulsé les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Depuis le début de l'année, la propagande promet un «déluge de feu» sur les Etats-Unis en cas d'agression. La diplomatie américaine n'est pas en reste. En début de semaine, John Bolton, le responsable américain chargé du contrôle des armements, parlait de Kim Jong-il comme d'un «dictateur tyrannique» à la tête d'un régime décrit comme un «cauchemar diabolique».
La plupart des analystes s'accordent à dire que Pyongyang use de la menace nucléaire pour arracher aux Etats-Unis un traité de non-agression et à la communauté internationale une aide alimentaire et économique alors que le pays est exsangue et livré à la logique paranoïaque de ses dirigeants. Les avis divergent toutefois sur la réalité des menaces nord-coréennes. Selon Washington, Pyongyang serait déjà en possession de l'arme atomique et pourrait en produire plusieurs autres ces prochains mois.
Ces craintes étaient en partie relayées vendredi à Bruxelles par un rapport de l'International Crisis Group (ICG), un institut de recherches sur la prévention des conflits. Selon ce rapport, la Corée du Nord a l'intention de développer «six armes nucléaires d'ici à plusieurs mois et plus de 200 d'ici à 2010». L'institut estime que «détourner Pyongyang de cette voie est la question de sécurité la plus importante et la plus urgente dans le monde actuellement». Pour raisonner la Corée du Nord, il faut déployer une diplomatie active couplée à une menace crédible de recours à la force.
Il y a quelques semaines, des diplomates asiatiques avaient évoqué la possibilité que les Etats-Unis entrent en matière pour signer un traité de non-agression avec Pyongyang. Washington avait aussitôt démenti. Même si John Bolton parle d'un succès de la stratégie de la fermeté, il serait toutefois étonnant que les Nord-Coréens fassent un pas en arrière sans quelques assurances en retour. Toujours est-il que lors des prochaines négociations à six, les Nord-Coréens feront face à cinq interlocuteurs fermement décidés à conserver une péninsule Coréenne sans armes nucléaires.