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Au Québec, un parti rêve d’initiatives populaires

En perte de vitesse, le Parti québécois lance l’idée de consultations populaires dans la province. Avec la souveraineté en toile de fond, et non sans débat interne

Ils ont voté à une forte majorité des 500 délégués présents, ont relevé les gazettes. Dimanche dernier, le Parti québécois (PQ, souverainiste) a ajouté à son programme la mise sur pied d’un système de référendum d’initiative populaire dans la province. La formation ne formule pas encore les détails de fonctionnement, qu’elle juge toutefois essentiels, mais elle cite comme ordre de grandeur le chiffre de 850 000 signatures, soit 15% des électeurs, pour déclencher une votation populaire.

Cette idée s’inscrit dans une série de propositions du PQ pour «changer la politique». Par ailleurs, les souverainistes ne sont pas au mieux de leur forme, après une cuisante défaite au niveau fédéral en mai dernier. Et cette idée en particulier a provoqué quelques vifs débats au sein du PQ, avant son plébiscite par la base.

«Le PQ a toujours écarté l’idée»

Même si d’autres sujets pourraient bien sûr faire l’objet d’initiatives populaires – des opposants à cet outil politique évoquent déjà le risque de voir les militants anti-avortement s’en emparer –, la discussion a pour toile de fond l’éventualité d’un nouveau vote sur l’indépendance de la province, ou tout au moins sur un statut renforcé au sein du Canada. «Le PQ a toujours écarté l’idée des référendums d’initiative populaire dans le passé», relève La Presse.

L’actuelle présidente du parti, Pauline Marois, n’a d’ailleurs jamais caché son hostilité envers cette idée. Elle n’était pas dans la salle au moment du vote. Avant la tenue de l’assemblée, notait aussi La Presse, elle «n’a pas montré d’enthousiasme au sujet du référendum d’initiative populaire. «Le débat a été souhaité par les militants, et je vais respecter leur décision», a-t-elle affirmé». C’est un député, Bernard Drainville, qui a réussi à mettre le sujet à l’ordre du jour de la formation politique.

Comment voter sur la souveraineté?

Les arguments contre l’instauration d’un tel droit populaire portent pour l’essentiel sur l’hypothèse de la souveraineté. Le même journal, dans son compte rendu final, résume la position de Pauline Marois: «Pour garder le contrôle sur l’agenda référendaire, elle a toujours voulu qu’un référendum ait lieu seulement «au moment jugé approprié par le gouvernement». C’est d’ailleurs la stratégie du PQ depuis qu’elle le dirige.» L’article signale encore que la présidente du parti «semble ne pas craindre les dérapages. «Écouter le peuple, ça ne risque pas de se retourner contre nous», a-t-elle dit.»

En fait, le refus de certains indépendantistes repose sur la crainte que leurs opposants utilisent l’instrument de manière tactique, et retorse. La Presse raconte: «Un délégué de Bourget, Maurice Goyer, a affirmé que la stratégie pourrait se retourner contre un gouvernement péquiste. Les fédéralistes pourraient déclencher un référendum au moment où l’option est au plus bas dans l’opinion publique, a-t-il dit.»

Le Devoir détaille le raisonnement du même délégué: «Le jour où la souveraineté allait «tomber en bas de 30 %» dans les sondages,  les adversaires de la souveraineté pourraient «s’en servir contre» le projet d’indépendance.»

Cité par Radio-Canada, Bernard Drainville a répliqué en retournant l’argument de la température de l’opinion à un moment donné: « Imaginez-vous, si on avait eu ce droit, au lendemain de [l’Accord du lac] Meech [ndlr: un projet de réforme constitutionnelle de 1987, qui répondait en partie aux demandes du Québec, mais qui a échoué faute d’unanimité des provinces], lorsque le oui était à 65 %, on aurait pu demander un référendum sur l’indépendance, on l’aurait eue notre majorité, notre pays.»

«Eviter les abus»

Dans des propos rapportés par Le Devoir, le partisan de l’initiative populaire concédait toutefois qu’il «faut éviter les abus observés en Californie, notamment l’instrumentalisation du [référendum d’initiative populaire] par des lobbys et des règles peu contraignantes de financement».

Reste que la suggestion du parti est encore loin de toute concrétisation. Peu avant le conseil national du week-end dernier, Le Devoir ironisait sur «la prétention péquiste», l’accumulation de dissension internes et la traversée d’un «psychodrame», puis des «discussions sur le renouveau démocratique [qui] risquent de paraître quelque peu ésotériques au commun des mortels». Au reste, certains médias abrègent «référendum d’initiative populaire» en RIP, ce qui ne manque pas de susciter des jeux de mots sarcastiques dans les réponses aux articles ou les forums.

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