La chancelière allemande Angela Merkel a dit mardi «regretter profondément» les victimes innocentes en Afghanistan, dans une déclaration solennelle devant les députés après la frappe de l’Otan ordonnée vendredi par le commandement militaire allemand sur place. «Chaque personne innocente tuée en Afghanistan est une de trop», a déclaré Mme Merkel devant le Bundestag. «Je regrette profondément toute personne innocente tuée ou blessée, y compris du fait des actions des Allemands», a-t-elle dit.

L’Otan a reconnu mardi que des civils avaient été tués et blessés, mais sans en livrer le nombre, dans le bombardement aérien vendredi par ses avions de citernes d’essence dérobées par les talibans à Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan.

En attendant l’enquête

Mais la chancelière s’est refusée à condamner la frappe, en attendant les conclusions d’une enquête officielle.

Cette opération a suscité en Allemagne et dans le monde des déclarations contradictoires sur le nombre de victimes, la présence ou non de civils parmi les morts et le bien-fondé de l’opération.

«Pour moi, comme pour le gouvernement, il est essentiel d’avoir tous les éclaircissements», a-t-elle affirmé, ajoutant «nous n’allons rien embellir, mais dans le même temps nous n’acceptons pas des jugements hâtifs (...) que ce soit ici ou à l’étranger». Les ministères des Affaires étrangères et de la Défense allemands avaient déploré lundi un «manque de solidarité» de la part de certains ministres européens, dans leur réaction au raid aérien meurtrier qui aurait tué entre 56 et 150 personnes, selon différentes informations.

Le président afghan Hamid Karzai, dans une interview au quotidien français Le Figaro, avait qualifié la frappe «d’erreur de jugement», tandis que le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner évoquait «une grosse erreur».

Un sentiment d’isolement

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, rival de Mme Merkel aux élections législatives du 27 septembre, a lui aussi déclaré au parlement «ne pas comprendre que des jugements hâtifs soient faits avant que l’enquête ne soit finie.» «J’ai appelé plusieurs ministres européens des Affaires étrangères le weekend dernier pour leur dire qu’ils doivent, comme nous, attendre avant de rendre des jugements publics», a indiqué M. Steinmeier.

Mme Merkel a également rappelé, qu’en accord avec la France et la Grande-Bretagne, Berlin souhaitait organiser une conférence d’ici la fin de l’année pour convenir comment le gouvernement afghan peut assumer plus de responsabilités. «Le but doit être de permettre à l’Afghanistan à s’occuper seul de sa sécurité,» a-t-elle affirmé. «Au cours des cinq prochaines années (...) des progrès substantiels et qualitatifs doivent être faits pour permettre aux troupes internationales de se retirer petit à petit», a ajouté la chancelière.

A moins de trois semaines des élections, et alors que les deux-tiers des Allemands veulent le retrait des 4’200 soldats engagés en Afghanistan, Mme Merkel a toutefois affirmé que l’intervention était «dans l’intérêt urgent de la sécurité de notre pays». Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont été organisées à partir d’un Afghanistan contrôlé par les talibans. «La terreur est venue de là bas et pas le contraire», a ajouté Mme Merkel.