Les Cubains se sont longtemps demandé si Raul n'allait pas mourir avant Fidel, comme on ferait un vœu. Le successeur officiel du président cubain n'est pas extrêmement populaire. Il n'a ni le charisme ni l'éloquence de son frère aîné, des blagues courent sur lui, et il a laissé quelques mauvais souvenirs. L'un d'entre eux date des tout premiers temps de la victoire castriste. Devenu gouverneur de la province d'Oriente après la révolution de 1959, cet admirateur du modèle stalinien s'est empressé de faire fusiller des centaines d'opposants. Il traîne aussi, depuis le terrible procès fait au général Ochoa, un parfum de coca. L'an dernier, un trafiquant colombien a fait des révélations compromettantes pour celui qui dirige, avec un certain talent et depuis près de cinquante ans, les forces armées cubaines: une rumeur répandue par l'opposition cubaine de Miami, a rétorqué La Havane.
Raul a toujours été aux côtés de son aîné de cinq ans, son demi-frère selon le journaliste Alain Ammar. Raul serait le fils d'un sergent, métis de Chinois et de mulâtre, de la garde civile de Biran (sud) où il est né en 1931. Ils ont fait les mêmes études, dans les meilleures écoles jésuites du pays. Séduit par le communisme après un voyage derrière le rideau de fer en 1953, à 22 ans, Raul a été ensuite de toutes les aventures castristes: l'attaque de la caserne de la Moncada le 26 juillet 1953, l'exil au Mexique avec son frère et le Che, l'épopée du débarquement du yacht Granma à Cuba, la guérilla de vingt-cinq mois dans la Sierra Maestra, et finalement l'entrée victorieuse des «barbus» à La Havane. Il était en conséquence celui en lequel Fidel pouvait avoir confiance, le numéro 2 du régime: deuxième secrétaire du Parti communiste cubain (PCC), premier vice-président du Conseil d'Etat (gouvernement). Et, à ce titre, le dauphin, désigné officiellement dès 1975.
De santé fragile, mais considéré comme un bon vivant, plus pragmatique que son frère, il a discrètement fait évoluer l'armée, privée des subventions de Moscou depuis l'éclatement de l'URSS, vers le business. Son idée de l'ouverture du régime, s'il doit y en avoir, se rapprocherait plutôt des modèles chinois ou vietnamien. Mais difficile de savoir ce que pense «Monsieur Frère», qui fréquente peu les diplomates. On s'accroche à certaines de ses déclarations, qui se démarquent de celles de Fidel. En 2001, par exemple, il a souhaité publiquement que les relations entre La Havane et Washington se normalisent rapidement. Mais a-t-il suffisamment d'envergure pour assurer la transition? Hier, depuis Madrid, Hubert Matos, un ancien commandant en exil de la révolution cubaine, l'a «exécuté»: Raul est «un lâche sans charisme qui n'a pas l'étoffe d'un leader».