La Guerre froide est déjà un loin souvenir. La présence de Mikhaïl Gorbatchev mardi soir à l'Université de Genève a pourtant attiré plus d'un millier de personnes venues écouter l'ancien président de l'Union soviétique dans le cadre de la commémoration du 20e anniversaire du sommet de Genève avec Ronald Reagan. L'ex-secrétaire général du Comité central du Parti communiste a d'emblée montré le chemin qui a été parcouru à Genève voici vingt ans: «Quand on m'avait demandé quelle était ma première impression du président des Etats-Unis, j'avais répondu qu'il apparaissait comme un vrai dinosaure. On avait posé la même question à Reagan, il avait dit que j'étais un vieux Bolchévique pur et dur. Nous étions donc très différents, mais sommes parvenus à un accord capital.»

Ancien conseiller pour la Sécurité nationale du président Reagan, Robert McFarlane, qui avait étudié le droit international à Genève, a de son côté souligné que l'accord conclu à Genève initiant le processus menant à la fin de la Guerre froide ne relevait en rien de l'évidence et que Reagan était venu à Genève avec de sérieux doutes sur les chances de succès de la rencontre. Cela correspondait à un changement fondamental de paradigme. «Si la vie est meilleure aujourd'hui, c'est qu'il n'y a plus de risque de cataclysme nucléaire. Mais aussi que la Russie est devenue pluraliste», estime Robert McFarlane. Alexander Bessmertnikh, ancien ministre des Affaires étrangères de l'URSS, présent à Genève en 1985, s'est étonné du peu de cas qu'ont fait les historiens et politiciens du sommet de Genève. «Il a pourtant eu une importance essentielle et a permis des percées lors des sommets successifs.»

«La rencontre entre Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan en 1985, c'était l'espoir de voir les pays coopérer. Aujourd'hui, l'espoir s'est en partie évanoui et c'est la peur, l'irrationnel qui domine et divise.» Lors d'un séminaire tenu à l'Université de Genève plus tôt dans la journée, Jonathan Granoff n'a pas caché son inquiétude sur l'état sécuritaire du monde. Le président du Global Security Institute de San Francisco n'a pas manqué de souligner l'importance du sommet genevois. «En donnant l'impulsion pour mettre un terme à la Guerre froide, les deux leaders ont sauvé l'histoire en réalisant que les menaces nécessitaient une réponse globale. Sans ce changement de vision, on n'aurait jamais eu une approche globale en matière environnementale par rapport aux écosystèmes, à l'ozone, mais aussi en matière de prolifération nucléaire.»

C'est précisément cette dynamique qui a permis quelques années plus tard, en 1995 et en 2000, d'étendre les engagements pris dans le cadre du Traité de non-prolifération nucléaire, que seuls trois pays, l'Inde, le Pakistan et Israël n'ont pas ratifié. «Aujourd'hui, c'est une honte. Les Etats-Unis ont remis en question les promesses faites et on est passé d'une approche légale à une approche morale. Et ne soyons pas dupes. On ne recréera pas un tel traité. Il faut retrouver la volonté politique de le réactiver», espère Jonathan Granoff. Mikhaïl Gorbatchev a rappelé pour sa part la nécessité de renforcer le traité. Ces propos ont d'autant plus d'écho que l'Iran et la Corée du Nord défraient actuellement la chronique sur le plan nucléaire avec leur intention d'acquérir l'arme nucléaire.