En grève de la faim, dit la pancarte que Mehdi Biabani tient accrochée autour de son cou. Il réagit au massacre de 52 de ses compagnons, membres des Moudjahidin du peuple iranien (OMPI), dimanche matin, dans le camp d’Achraf, au nord-est de Bagdad. A Genève, sur la place des Nations, les militants de l’OMPI ont monté une nouvelle fois leur tente, 13 d’entre eux ont commencé dimanche une grève de la faim, qu’ils poursuivront tant que leurs compagnons piégés en Irak seront menacés. Pour l’OMPI, ce massacre est le cinquième commis contre ses membres reclus en Irak, dans l’attente que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) leur trouve un pays d’accueil.

Contacté par téléphone, le médecin du camp d’Achraf, Javad Ahmadi, fait partie des 42 survivants: «Les militaires irakiens ont débarqué dans le camp en tirant. Ils ont systématiquement tué les blessés d’une balle dans la tête, parmi les victimes de nombreuses femmes. Ils ont même assassiné le personnel médical. Ils ont aussi pris sept otages, dont six femmes.» Lundi soir, juste après le départ d’une délégation de l’ONU, les militaires irakiens assiégeaient encore le camp: «Nous avons peur qu’ils attaquent à nouveau. J’ai cinq blessés avec moi, et nous refusons de sortir sans escorte.»

Le gouvernement irakien rejette la responsabilité du drame sur les moudjahidin qui auraient attaqué les forces de l’ordre après la chute d’une roquette. L’ONU a aussi dénoncé le carnage et demandé au gouvernement irakien de diligenter une enquête ainsi que d’assurer la sécurité des 3100 membres de l’OMPI, reclus dans deux camps.

Le camp d’Achraf abrite depuis plus de vingt-cinq ans les rebelles de l’OMPI qui en avaient fait leur quartier général alors qu’ils combattaient aux côtés de Saddam Hussein contre l’Iran. Après l’invasion américaine en 2003, les moudjahidin sont désarmés et assignés à rester dans le camp. En vertu des Conventions de Genève, le statut de personnes protégées leur est accordé. Mais à mesure que les Américains abandonnent aux Irakiens leurs prérogatives, les choses se corsent pour les résidents d’Achraf. Car les ennemis d’hier sont désormais amis: Bagdad et Téhéran, alliés, mènent la vie dure aux combattants de l’OMPI.

Fin 2011, le gouvernement de Nouri al-Maliki exige des Achrafiens, comme ils s’appellent eux-mêmes, qu’ils abandonnent leur camp. La plupart d’entre eux sont donc relogés à Liberty, une ancienne base américaine, alors que le HCR tente de leur trouver une terre d’asile. Mais les incidents sécuritaires se succèdent à Liberty qui est, selon les dirigeants de l’OMPI, plus une «prison-mouroir» qu’un lieu d’accueil. En 2013, des roquettes se sont abattues à deux reprises sur Liberty, faisant au moins dix victimes. Avant dimanche, il restait une centaine de moudjahidin à Achraf. «L’ONU et le gouvernement irakien n’ont jamais tenu les promesses qu’ils avaient faites d’assurer la ­sécurité des moudjahidin. Aujour­d’hui, nous voulons que les résidents de Liberty, qui ont aussi entamé une grève de la faim, puissent retourner à Achraf et que des Casques bleus assurent leur sécurité», explique Behzad Naziri, membre de l’OMPI.

Après avoir abandonné la lutte armée et accepté le désarmement de ses combattants, l’OMPI a été retirée de la liste des organisations terroristes par l’Europe en 2009 et les Etats-Unis en 2012, mais ses membres en Irak n’ont pas connu une amélioration de leur sort, au contraire. Alors que l’Irak s’enfonce dans la violence confessionnelle, les anciens rebelles iraniens ne peuvent compter sur le soutien de personne. Pour Behzad Naziri, Bagdad veut profiter du contexte politique pour se débarrasser des anciens moudjahidin, dans l’indifférence générale. En juin, 71 moudjahidin ont été accueillis en Albanie. L’Allemagne a promis d’en accueillir une centaine. Il en reste 3100 sans avenir en Irak.

«Bagdad veut se débarrasser des anciens moudjahidin, dans l’indifférence générale»