«S’attaquer aux racines du problème»: difficile d’être en désaccord avec José Manuel Barroso. Après l’annonce du plan européen sans précédent (750 milliards d’euros) pour éviter une contagion de la crise grecque, le président de la Commission européenne a déclaré mercredi que «les gouvernements doivent avoir le courage de dire s’ils veulent une union économique ou non, parce que, s’ils ne la veulent pas, autant oublier l’union monétaire». Mais ni la méthode proposée, ni les sacrifices budgétaires requis ne font l’unanimité.

José Manuel Barroso et Olli Rehn, le commissaire finlandais chargé de l’Economie, avancent trois propositions pour ramener la confiance et la convergence au sein de l’UE: instaurer une surveillance communautaire des budgets des Etats membres en «amont» des parlements nationaux; accorder plus d’importance à leur niveau d’endettement public; et conditionner l’attribution des fonds de cohésion de l’Union au respect de ces critères de stabilité renforcés. Ce qui revient – de façon encore floue – à exiger de vraies sanctions.

En clair, la Commission est prête à faire le «gendarme». Une avancée jugée indispensable par beaucoup pour parvenir, enfin, à la fameuse «gouvernance économique» appelée de ses vœux par Jacques Delors… dès le Traité de Maastricht de 1992.

L’arsenal de mesures proposé mercredi – volontairement général pour ouvrir la négociation – reste subordonné à l’accord des Vingt-Sept, dont les ministres des Finances se retrouvent à Bruxelles le 18 mai.

Le problème est que, à force d’attendre pour éteindre l’incendie grec, l’UE s’est mise elle-même au pied du mur. Un dilemme illustré par Angela Merkel. Présente jeudi à Aix-la-Chapelle pour remettre le Prix Charlemagne au premier ministre polonais, Donald Tusk, la chancelière allemande, souvent critiquée pour son attentisme, a redit son engagement à sauver l’euro car, en cas d’échec, «ce serait l’Europe qui échoue et avec elle l’idée d’Union européenne».

Soit. Mais, en Allemagne, l’idée d’un contrôle extérieur du budget s’annonce comme une bombe à retardement. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a délimité la souveraineté nationale dans son jugement sur le Traité de Lisbonne en 2009, serait à coup sûr saisie. Un risque de flottement sérieux demeure donc à Berlin, épicentre de toute réorganisation économique. Sans parler des autres capitales.

Par ailleurs, la multiplication des injonctions à réduire les déficits ramène au premier plan le risque de la récession. Et d’une spirale infernale. «Si la croissance ne revient pas dans la zone euro, explique le professeur genevois Charles Wyplosz, les déficits budgétaires pourraient s’aggraver. Les défauts de paiement pourraient alors devenir inévitables, et les 750 milliards d’euros de garanties compenseraient les investisseurs aux frais des contribuables, sérieusement appauvris.»

La Grèce bien sûr, mais surtout l’Espagne et le Portugal se retrouvent ainsi plus que jamais dans le collimateur. Lisbonne a promis de ramener son déficit public de 10,4% du PIB en 2009 à 4,6% en 2011. Le premier ministre espagnol Zapatero a annoncé des coupes dans les salaires des fonctionnaires, et la remise en cause d’aides sociales (lire ci-dessous). Or rien ne garantit que ces mesures stimuleront productivité et croissance. D’où les appels, nombreux, à rouvrir le dossier d’un grand emprunt communautaire pour financer investissements et grands travaux.

«Piège», l e mot est en vogue à Bruxelles. Piège politique d’abord, car tout nouveau sacrifice de souveraineté se fera dans la douleur, et à haut risque. Piège économique ensuite, car l’austérité rime souvent avec chômage et pression fiscale accrue. Piège financier enfin, car un euro faible relancerait l’inflation et, par voie de conséquence, la polémique autour du rôle de la Banque centrale européenne qui, en s’engageant à octroyer des liquidités en échange des obligations des Etats sous pression, met sa crédibilité en danger. Plus l’on creuse, plus «les racines du problème» apparaissent profondes. Donc difficiles à traiter.