Réjouissance de façade au Kremlin
Election de Trump
Vladimir Poutine a été le premier leader occidental à féliciter Donald Trump pour sa victoire. Mais l’imprévisibilité du futur président des Etats-Unis inquiète déjà les Russes

C’est du jamais vu. Mercredi matin, la Douma (la chambre basse du parlement russe) s’est levée comme un seul homme et a applaudi à tout rompre l’annonce de la victoire de Donald Trump. Jamais le Kremlin – qui contrôle la Douma – n’avait été aussi partisan à propos d’une élection se déroulant dans un pays étranger. Qui plus est son principal rival géopolitique.
«La Russie est prête et désire restaurer des relations normales avec les Etats-Unis. Cela ne sera pas facile, mais nous sommes prêts à faire de notre mieux», a indiqué Vladimir Poutine sur le site internet du Kremlin. «Cela servira les intérêts des peuples russe et américain, et aura un effet positif sur le climat général des affaires internationales, si l’on prend en compte la responsabilité spéciale de la Russie et des Etats-Unis dans la stabilité et la sécurité globale.»
Chaotiques depuis 2008, les relations entre les deux pays ont plongé à partir de 2014 à un niveau rappelant la Guerre froide à cause des conflits en Ukraine et en Syrie. Vladimir Poutine a pris ombrage de ce que Barack Obama ne l’a pas traité en égal. Ce dernier a qualifié la Russie de «puissance régionale» et a comparé le président russe à un dictateur.
«Sphères d’influence»
A l’inverse, Donald Trump a fait part de son «admiration» pour Vladimir Poutine au cours de sa campagne électorale. Il a indiqué ne «pas vouloir de confrontation» avec la Russie et voit dans son leader «un homme avec lequel il peut faire des affaires en tant que président». Il a signalé son peu d’estime pour le rôle de l’OTAN. Plus concrètement, le nouvel élu s’est dit prêt à revoir les sanctions économiques contre la Russie et éventuellement à reconnaître l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014. Des positions qui ont rendu le milliardaire américain extrêmement populaire dans les médias du Kremlin, tandis que son adversaire Hillary Clinton était vilipendée pour sa «russophobie».
Tacticien redouté, Vladimir Poutine pourrait profiter des derniers mois de Barack Obama pour avancer ses pions en Syrie et en Ukraine afin d’être en meilleure position pour négocier un «partage des sphères d’influence» avec Donald Trump. «Ce risque existe», confie un diplomate occidental en poste à Moscou. «Je ne peux pas dire que les précédents leaders américains ont toujours été prévisibles […] J’ai entendu de nombreuses déclarations, mais nous jugerons sur les actes», a prudemment déclaré mercredi le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
Facétieux, l’opposant russe Alexeï Navalny souligne sur son blog les promesses de Trump allant à l’encontre des intérêts russes. A savoir la fin des restrictions sur la production de gaz et pétrole de schiste, et de charbon, ce qui va tirer vers le bas les prix de l’énergie. «On sait quels seront les effets sur le budget russe», note Alexeï Navalny, qui ne croit pas aux intentions apaisantes de Donald Trump sur la Crimée, les sanctions et la Syrie. L’opposant prédit aussi une «course aux armements» prêchée par l’élu républicain et surtout son vice-président Mike Pence. On se souvient que la course aux armements, de pair avec un cours plongeant du pétrole, avait grandement contribué à l’écroulement de l’URSS.