Ce devait être une parfaite opération de communication. Le groupe de Visegrad, un groupe informel réunissant la Pologne, la Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie (aussi appelé V4), devait se réunir ce mardi à Jérusalem. Objectif? «Intensifier leur dialogue politique» après une première rencontre survenue en juillet 2017 à Budapest. Mais voilà. A peine nommé, Israel Katz, le nouveau chef par intérim de la diplomatie de l’Etat hébreu, a jeté un froid en déclarant dimanche que «de nombreux Polonais ont collaboré avec les nazis». Et de citer l’ancien premier ministre Yitzhak Shamir: «Les Polonais sucent l’antisémitisme avec le lait de leur mère.»

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C’en était trop pour Varsovie. D’autant plus que, une semaine auparavant, le premier ministre israélien avait rappelé le rôle des Polonais dans l’Holocauste, un sujet tabou dans le pays. Mardi, la Pologne s’est donc retirée du sommet et ce dernier a été annulé, ou plutôt «repoussé» jusqu’à la seconde moitié de l’année veut croire le gouvernement slovaque.

«Perspectives de coopération»

Mais pourquoi donc ces pays souvent qualifiés de «démocraties illibérales» voulaient-ils se réunir à Jérusalem? «La raison officielle était de discuter de perspectives de coopération», explique Cyrille Bret, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris. Une explication peu crédible pour le chercheur. En effet, avec leur entrée dans l’Union européenne en 2014, ces pays ont remis de nombreuses compétences de politique étrangère entre les mains de Bruxelles. «L’essentiel de ce sommet visait à renforcer la visibilité du groupe de Visegrad. Le V4 voulait affirmer son autonomie par rapport à l’Union européenne.»

Le groupe de Visegrad, fondé en 1990 dans le but d’accélérer l’entrée de ses membres dans l’Union européenne, s’est ressoudé en 2015 lors de la crise migratoire. Ces pays ont alors rapidement élaboré une position commune, rejetant toute relocalisation de migrants organisée par Bruxelles. Réfractaires à la liberté de la presse, peu soucieux des droits individuels, la Hongrie et la Pologne sont par ailleurs dans le viseur des institutions européennes. L’article 7 du traité européen, qui permet de suspendre les droits de vote d’un Etat membre en cas de violation des droits de l’homme, a été déclenché à leur encontre.

Dans un contexte de campagne électorale, la rencontre prévue ce mardi aurait aussi pu répondre aux calculs du chef de gouvernement israélien. Benyamin Netanyahou entendait montrer qu’il est «capable de contourner la position de l’Union européenne sur la solution à deux Etats», déclare Cyrille Bret. Le quotidien israélien Haaretz va plus loin. Le but du premier ministre, affirme-t-il, est «d’ébranler le consensus de l’UE sur les questions relatives aux Palestiniens et à l’Iran».