Renflouer le Costa Concordia, un défi titanesque
revue de presse
Tout est presque prêt pour la tentative ultime du sauvetage: le redressement du paquebot échoué en janvier 2012. Une opération qui n’est pas sans risques, consistant à remettre le bateau dans la position où il se trouvait au moment où il a basculé. Avant de le remorquer vers son lieu de démolition

Toute l’histoire se lit sur son site mémoriel. Mais lui, il gît toujours, pitoyable, couché sur le flanc depuis le 13 janvier 2012 à proximité de l’île du Giglio, en Italie. Ce jour-là, alors qu’il réalisait une croisière hebdomadaire de sept jours en Méditerranée au large de la Toscane avec 4000 personnes à son bord, le paquebot Costa Concordia, sous le commandement du capitaine Francesco Schettino, s’approche trop près des côtes pour faire l’inchino, le salut aux habitants.
Et puis c’est le drame. Durant la hardie manœuvre, le bateau heurte un récif de l’îlot Le Scole, causant une brèche sur son flanc gauche. L’eau de mer s’engouffre alors très rapidement dans ce vaisseau qui comporte pas moins de 1500 cabines de toutes gammes, cinq restaurants, treize bars, cinq jacuzzis, quatre piscines, un toboggan aquatique, un spa, des thermes, une infrastructure de thalassothérapie, un sauna, une salle de soins, un bain turc, un solarium, un terrain de sport, une salle de cinéma, un théâtre, un casino, une discothèque, un simulateur de Grand Prix et une salle de jeux vidéo, dit son descriptif sur Wikipédia.
Trente-deux morts et disparus
Lancé en 2006, il avait été construit par Fincantieri de Sestri Ponente, à Gênes. C’était, à l’époque, le plus gros navire italien jamais sorti d’un chantier naval italien. Il est aujourd’hui considéré comme «hors service» et ne pourra jamais être réparé. Mais il y a plus grave: au 22 mars 2012, le bilan officiel de la catastrophe est de 32 morts dont deux disparus, une passagère italienne et un membre d’équipage indien.
Depuis une vingtaine de mois maintenant, on se demande «comment redresser [ce] monstre qui pèse près de 45 000 tonnes et mesure 300 mètres de long et 35 de large», indique Courrier international. A plusieurs reprises au cours de l’année 2013, l’opération de renflouage du navire «a été reportée tant le problème est complexe techniquement». Par exemple, le bâtiment pourrait simplement se briser en plusieurs morceaux au cours du sauvetage, prévient le Daily Telegraph.
Succès non garanti
Les choses ont tellement traîné que la Toscane considère tout cela comme «une blague», explique le Corriere della Sera, suite aux pertes de recettes touristiques pour la région. Mais, a confirmé le chef de la protection civile, Franco Gabrielli, à la télévision Sky TG 24, le redressement du Costa Concordia – que décrit en images, en partie de synthèse, un reportage très détaillé de CBS News – commence bien ces jours-ci. Le Huffington Post états-unien parle d’une opération ambitieuse pour les Italiens, jamais réalisée jusqu’ici dans de telles proportions.
«L’opération s’annonce longue, et son succès n’est pas garanti», écrit CNN, qui publie sur son site internet une passionnante infographie animée «détaillant les principales étapes du renflouage. Deux sociétés spécialisées, Titan Salvage, une firme de Floride, et Micoperi, entreprise italienne de Ravenne, ont orchestré la délicate opération.» Celles-ci livrent aussi de nombreuses informations sur le site officiel du projet, The Parbuckling Project, un exemple de site didactique, vivant, constamment réactualisé en fonction de l’avancement des travaux, avec force gadgets multimédiatiques. Il est simplement captivant.
Filmé par un drone
Ce site est bilingue (italien/anglais) «et représente une référence essentielle pour les médias internationaux et pour tous ceux qui s’intéressent à ce défi technique monumental et sans précédent. Il est également un outil efficace pour gérer et faciliter les demandes et enquêtes des médias, leur fournissant des mises à jour régulières des informations», lit-on sur le site promotionnel de Costa Croisières, qui a évidemment beaucoup de choses à se faire pardonner.
Au large de l’île du Giglio, explique un diaporama des Echos, «474 personnes travaillent jour et nuit pour renflouer l’épave». Il s’agit en fait de «redresser le bateau» et de «le remettre dans la position où il se trouvait au moment où il a échoué». En attendant, le Team Black Sheep – Movies a fait voler un drone autour du paquebot. «Le résultat […] donne des images époustouflantes de [sa] partie émergée», selon Gentside – voir la vidéo, extraordinaire, on confirme.
L’espoir de retrouver deux corps
Le Team Black Sheep, spécialisé dans le filmage par drones, a d’ailleurs été arrêté par la police: «Depuis l’événement tragique, les photos et les images du Costa Concordia sont interdites. Mais, pour cette équipe, «la censure est inacceptable et nous irons toujours au-delà des règles si c’est nécessaire», a-t-elle souligné. Cela en valait la peine car, disent les réalisateurs du film dans leur avertissement liminaire, «ce n’est pas dans notre intérêt d’obtenir une visibilité dans le dos de ceux qui ont perdu des êtres chers. Cette vidéo est censée être une présentation pour de possibles applications de drones.»
Et ensuite? Une fois le renflouage achevé, si le pari réussit – c’est un gigantesque défi technologique –, le Costa Concordia sera «acheminé jusqu’au port de Piombino, près de Livourne, en face de l’île d’Elbe, où il sera démoli». Peut-être retrouvera-t-on ainsi «les corps des deux victimes portées disparues […] qui se trouvent encore probablement à l’intérieur, sans que l’on sache précisément dans quelle zone du paquebot ni dans quel état se trouvent les corps», précise Il Post.
Dans quel état est la coque?
Le magazine Le Point expliquait en détail à la fin de juillet ce qui a déjà été fait pour préparer le renflouage. Ce sont des travaux titanesques! Il prévenait aussi des risques qui se présentent à l’horizon: «Sur les images d’animation, ça fonctionne à tous les coups. Mais il faudra affronter dans la réalité une variable fondamentale: l’état réel de la coque. En effet, depuis les jours qui ont suivi le naufrage et la recherche des disparus, aucun plongeur n’a visité de l’intérieur le flanc immergé de l’épave. Trop de risques de se perdre à jamais dans ce labyrinthe aquatique, chaotique et obscur. Personne ne connaît donc l’ampleur des brèches et l’état de la structure après dix-neuf mois d’immersion.»
Coût de l’opération? Il a été estimé à 400 millions d’euros. Et pendant ce temps, «le procès du commandant du Costa Concordia, Francesco Schettino [désormais dit le Couard] s’est ouvert le 9 juillet dernier. Il est poursuivi pour homicides multiples par imprudence, abandon de navire et dommages à l’environnement. Après la pause estivale, le procès reprendra» ce mois.