Pour la première fois depuis trois ans, la Chine, le Japon et la Corée du Sud se sont retrouvés, dimanche, à Séoul, pour un sommet trilatéral qui a permis d’amorcer un rapprochement entre le premier ministre japonais, Shinzo Abe, la présidente sud-coréenne, Park Geun-hye, et le chef du gouvernement chinois, Li Keqiang.

Si ce sommet et les rencontres bilatérales qui ont ponctué trois jours de ballet diplomatique n’ont pas permis de résoudre les contentieux territoriaux et historiques entre le Japon et ses deux voisins, le ton s’est voulu constructif. «La retenue affichée a permis une avancée majeure pour restaurer la confiance», a jugé, lundi, le quotidien japonaisNihon Keizai.

L’arrêt de ces sommets, après les cinq organisés de 2008 à 2012, était survenu après l’arrivée au pouvoir du très nationaliste Shinzo Abe et sa visite, fin 2013, au controversé sanctuaire shinto Yasukuni, où sont honorés les Japonais morts pour la patrie, et notamment 14 militaires condamnés pour crimes de guerre pendant le second conflit mondial. Yasukuni est considéré, en Corée et en Chine, comme le symbole du militarisme nippon.

Sommet annuel

«Cette rencontre revêt une réelle valeur historique, a déclaré en conférence de presse la présidente Park, car elle restaure un système de coopération entre les trois pays, qui devient un cadre important pour la paix et la prospérité régionales. «Mme Park est à l’origine de la rencontre trilatérale. Elle l’a proposée après le sommet de novembre  2014 entre Shinzo Abe et le président chinois Xi Jinping, qui a amorcé un léger réchauffement des relations sino-japonaises. Ces progrès auraient, estime Jun Okumura, de l’institut Meiji pour les affaires internationales (MIGA, Japon), «poussé la Corée du Sud à chercher à se rapprocher», par crainte de se retrouver isolée.

Les trois dirigeants ont décidé de collaborer sur le dossier du nucléaire nord-coréen.

Les trois dirigeants se sont engagés à se retrouver annuellement. Le prochain sommet aura lieu à Tokyo en  2016. Ils ont également décidé de collaborer sur le dossier du nucléaire nord-coréen et de travailler sur un projet d’accord de libre-échange entre les trois pays, qui représentent 20% du PIB mondial. Des coopérations dans le domaine environnemental et culturel ont été évoquées.

Shinzo Abe a salué la «sincérité» des échanges. «Il est peu productif de rester focaliser sur une certaine période de l’histoire», a-t-il souligné. Li Keqiang a rappelé que la «nécessaire confiance» était conditionnée à «la compréhension mutuelle des questions importantes, historiques notamment».

Dialogue économique relancé

Les points de tension territoriaux et historiques ont été évoqués lors des entretiens bilatéraux. «Les questions historiques sont essentielles pour les liens sino-japonais, autant que pour le 1,3  milliard de Chinois», a lancé, selon l’agence chinoise Chine nouvelle, Li Keqiang à Shinzo Abe. Chinois et Japonais ont décidé de ne pas révéler le contenu de l’entretien, mais la création rapide d’une ligne directe entre les marines et les forces aériennes des deux pays aurait été décidée. L’objectif serait d’éviter le risque d’escalade en mer de Chine orientale notamment, où les deux pays se disputent la souveraineté sur les îlots Senkaku/Diaoyu. Interrompu depuis 2010, le dialogue économique de haut niveau sera relancé.

Le passé qui ne passe pas a également occupé l’entrevue d’une heure – plus que prévu – entre Shinzo Abe et Park Geun-hye. Les deux dirigeants ne s’étaient jamais officiellement rencontrés depuis leur entrée en fonction, malgré l’insistance de Washington, qui s’inquiète des différends entre ses deux alliés dans la région. «J’espère que ce sommet permettra de guérir les blessures du passé, a déclaré la dirigeante sud-coréenne à l’ouverture de l’entretien lundi, et sera l’occasion, pour les deux pays, d’améliorer les relations grâce à des échanges honnêtes.»

La question des femmes dites «de réconfort», forcées de se prostituer pour l’armée impériale japonaise pendant la guerre, a été abordée. La présidente Park en a fait une priorité. Deux nouvelles statues en hommage à ces femmes ont été inaugurées, le 28  octobre, à Séoul. Elles symbolisent l’exploitation des Coréennes, mais également des Chinoises et des autres femmes asiatiques par l’armée nippone. Une autre se dresse depuis 2011 devant l’ambassade du Japon, là où se réunissent, chaque mercredi depuis 1992, des victimes et leurs soutiens pour demander une résolution complète du dossier et des excuses sincères du Japon.

Celles déjà formulées n’ont pas convaincu. Et le très nationaliste Shinzo Abe, comme son gouvernement, tend à réfuter l’implication des autorités japonaises de l’époque dans cette exploitation. Le premier ministre japonais serait venu à Séoul, dit-on côté sud-coréen, sans la moindre volonté de compromis sur les questions historiques. Pendant sa rencontre avec Park Geun-hye, il aurait néanmoins accepté d’accélérer les discussions sur les femmes «de réconfort». En cette année du 50e anniversaire de la restauration des liens diplomatiques entre les deux pays, Shinzo Abe a par ailleurs plaidé pour «construire un nouvel avenir des relations bilatérales».