Etats-Unis
Etats-Unis. On entend beaucoup de républicains nier la réalité du changement climatique. Or certains, minoritaires, refusent ce narratif et appellent à agir, notamment par le biais du secteur privé

A voir les prises de position d’une majorité d’élus républicains du Congrès, le président Theodore Roosevelt, naturaliste et père des parcs nationaux, se retournerait dans sa tombe. Alors que plus de 180 Etats négocient un accord pour réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre à Paris dans le cadre de la conférence sur le climat (COP21), à Washington, le président de la Commission de la science de la Chambre des représentants Lamar Smith continue de nier la réalité du changement climatique. Il s’est engagé dans un bras de fer avec la National Oceanic and Atmospheric Administration (Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique). Au moment de la venue du pape en septembre, une résolution soumise à la Chambre basse du Congrès visait simplement à constater la réalité du changement climatique. Elle a obtenu 11 voix républicaines sur 247. Les candidats à l’investiture républicaine ne sont pas en reste. Le favori Donald Trump ne s’en cache pas: «Je ne crois pas au changement climatique.» Marco Rubio estime que prendre l’initiative dans ce domaine serait une manière de détruire l’économie américaine et de favoriser la Chine. Jeb Bush estime «arrogant» d’affirmer que la science a décidé une fois pour toutes de ce qu’il en est en matière de climat.
Or ces postures climato-sceptiques ne sont peut-être que la pointe visible de l’iceberg. Des voix républicaines refusent de se faire imposer ce narratif et de s’enfermer dans un combat illusoire contre les thèses défendues par une majorité des scientifiques. Ils admettent que l’homme contribue au changement climatique par des émissions massives de CO2 dans l’atmosphère. C’est le cas des sénateurs Lindsey Graham et Kelly Ayotte. Pour cette dernière, jamais avare de critiques envers l’administration Obama, c’est une question de survie politique. Sa réélection en 2016 sera difficile et le New Hampshire, son Etat, a voté à deux reprises en faveur de Barack Obama en 2008 et 2012. Contrairement à l’écrasante majorité de son parti, elle a approuvé le plan climatique (Clean Power Act) de la Maison-Blanche visant à réduire de 32% les émissions de CO2 des centrales à charbon d’ici à 2030.
L’environnement, longtemps un thème bipartisan qui ne divisait pas républicains et démocrates, est désormais monopolisé par ces derniers. Or, relève Russell Kirk, auteur du livre «The Conservative Mind», «rien n’est plus conservateur que la préservation des ressources». L’une des principales lois environnementales outre-Atlantique, le Clean Air Act, avait été adoptée en 1970 avec le soutien massif des deux partis. Même l’icône de la révolution conservatrice, Ronald Reagan, avait poussé à l’adoption du Protocole de Montréal sur la protection de la couche d’ozone. L’ancien secrétaire républicain au Trésor Henry Paulson considère comme prioritaire l’introduction d’une taxe carbone pour internaliser les coûts environnementaux. C’est une manière efficace, dit-il, de combattre ce que les républicains exècrent, le «big governement», un Etat boursouflé, et de supprimer les dizaines de milliards de dollars de subventions accordées à l’industrie des énergies fossiles. Comme une taxe carbone serait invendable en tant que telle à un électorat conservateur, l’idée de certains républicains est de rendre cette taxe neutre en termes de revenue, de restituer aux citoyens ce qu’ils ont versé sous forme de dividende climatique en favorisant de fait ceux dont l’empreinte écologique est la moins forte. En termes économiques, certains voient aussi d’alléchantes perspectives. Comme le souligne le milliardaire Bill Gates, la décarbonisation de l’économie va nécessiter une accélération considérable de l’innovation et générer de nombreux emplois.
Le mensuel «The Atlantic» cite plusieurs exemples d’initiatives républicaines en faveur du climat. Le riche bailleur de fonds du Grand Vieux Parti Jay Faison est en train de consacrer 175 millions de dollars pour inciter les républicains à prendre à bras-le-corps la question du changement climatique. Une série de sociétés classées dans le Fortune 500 réduisent d’elles-mêmes leurs émissions de CO2. Le mouvement des jeunes au sein du parti, les Young Conservatives for Energy Reform, monte en puissance. Si les républicains du Congrès ont sèchement rejeté la semaine dernière le Clean Power Act, plusieurs Etats républicains se disent prêts à coopérer, car ils y voient un intérêt économique. Ces initiatives ont déjà un effet. Selon un sondage de l’Université du Texas, les républicains convaincus de la réalité du changement climatique sont passés de 47% il y a quelques années à 59%.