Le dernier baroud d'honneur du premier ministre croate, Ivo Sanader, venu plaider mardi la cause de son pays à Bruxelles, n'aura servi à rien. Les négociations d'adhésion européenne de la Croatie n'ont aucune chance de s'ouvrir le 17 mars, car le général Ante Gotovina, inculpé de crimes de guerre par le TPI, est toujours en fuite.

Les autorités croates rappellent qu'elles ont rempli 638 des 639 exigences formulées par le TPI. Lundi, les biens de l'accusé Gotovina ont été placés sous séquestre par la justice croate, une décision tellement tardive qu'elle pourrait paraître contre-productive. De même, Zagreb propose de transférer à La Haye l'ancien ministre macédonien de l'Intérieur, Ljube Boskovski, également inculpé, qui dispose de la double nationalité, et qui est emprisonné en Croatie depuis le printemps dernier.

La ministre de la Justice, Vesna Skare Ozbolt, a souligné que le gouvernement actuel n'était pas en mesure de localiser Ante Gotovina, à cause «des erreurs des gouvernements précédents», c'est-à-dire de l'ancienne majorité de centre gauche qui, effectivement, n'avait montré aucune volonté d'arrêter Ante Gotovina quand elle était au pouvoir.

La ministre estime également que la Croatie entière ne doit pas être pénalisée à cause de ce dossier. Cette position est largement partagée par l'opinion publique croate, majoritairement pro-européenne, mais défavorable à l'arrestation d'Ante Gotovina.

Les dirigeants européens sont unanimes à reconnaître que le gouvernement de droite du premier ministre Sanader a effectué des progrès réels dans la voie d'une meilleure coopération avec La Haye, mais certains pays, comme la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark s'en tiennent à la position: «Pas de Gotovina, pas de négociations.» Au contraire, les pays voisins de la Croatie, l'Autriche, l'Italie, la Slovénie et la Hongrie, sont davantage sensibles aux arguments de Zagreb.

L'extrême droite gagnante

Sauf le coup de théâtre que représenterait une arrestation de dernière minute d'Ante Gotovina, les négociations ne pourront pas s'ouvrir. Reste encore à savoir comment les pays européens présenteront cette décision: ils pourraient laisser la porte ouverte à la Croatie, en proposant une nouvelle échéance.

Sur le plan intérieur, la décision européenne représente un lourd échec pour Ivo Sanader, qui a rallié la droite croate à des options pro-européennes. L'extrême droite nationaliste et eurosceptique risque d'être la grande gagnante. Pour ces courants, très influents dans les milieux des anciens combattants de la guerre d'indépendance, le général Gotovina est un «héros» que la Croatie ne doit pas sacrifier sur l'autel de l'adhésion européenne.

Il est peu probable qu'Ante Gotovina se trouve encore en territoire croate. L'accusé, qui dispose également de la nationalité française, a probablement pris la fuite dans un pays tiers. Le silence des autorités françaises sur le sort de ce ressortissant par naturalisation est un des éléments surprenants du dossier.