Le roi des Belges, Albert II, a annoncé mercredi dans une allocution radiotélévisée sa décision d’abdiquer le 21 juillet, jour de la fête nationale de la Belgique, après vingt ans de règne, selon des sources politiques et médiatiques.

Le palais royal a créé une grande surprise en annonçant que le roi allait s’adresser «à la population aujourd’hui à 18h00 par le biais d’une allocution sur les quatre grandes chaînes de télévision du pays et leurs stations de radio».

Rumeurs de départs

Même si l’information n’était pas officielle, il était acquis que le roi allait annoncer son abdication et qu’il allait laisser le trône à son fils aîné, le prince Philippe, âgé de 53 ans. Une source gouvernementale bien informée a confirmé cette information, tandis que plusieurs chaînes de télévision et de radio bouleversaient leurs programmes de l’après-midi. Ce départ était évoqué depuis plusieurs mois dans les milieux politiques et médiatiques, alors qu’Albert II, âgé de 79 ans, semblait fatigué et soucieux de passer la main.

Né le 6 juin 1934, le deuxième fils de Léopold III et de la reine Astrid était devenu le sixième monarque belge le 9 août 1993, après le décès inopiné de son frère, le roi Baudouin, qui n’avait pas eu d’enfant.

Premier souverain démissionnaire

Albert II est le premier souverain belge à quitter volontairement le pouvoir dans l’histoire du pays. A l’époque les Belges avaient été surpris par l’accession au trône, à 59 ans, de celui qui avait été pendant plus de 30 ans le «super-ambassadeur» du commerce extérieur belge. Le royaume s’était en effet fait à l’idée que le fils aîné d’Albert, Philippe, succéderait le jour venu à son oncle Baudouin. De plus Albert, bon vivant, amateur de bons mots et de grosses cylindrées, «n’avait pas la vocation sacrificielle de son frère», souligne le biographe de la monarchie Patrick Roegiers.

Pourtant, chez celui qui avait épousé en 1958 une ravissante aristocrate italienne, Donna Paola Ruffo di Calabria, «le sens du devoir a pris très vite le dessus», relève un autre chroniqueur royal, Christian Laporte. Moins intéressé par les arcanes de la vie politique que son aîné, Albert II perçoit néanmoins mieux que d’autres la détresse des Belges lorsqu’éclate la terrible «affaire Dutroux» en 1996.

En recevant les victimes survivantes du pédophile et les familles des enfants assassinés, au soir d’une «Marche Blanche» ayant rassemblé des centaines de milliers de Belges dans les rues de Bruxelles, «il ne fait pas de doute que le roi a sauvé les institutions», assure Christian Laporte.

Farouche opposant au séparatisme

Albert II a également été le premier roi de la «nouvelle Belgique», qui adopta en 1993 une constitution fédérale dotant la Flandre, la Wallonie et Bruxelles-Capitale de pouvoirs étendus. Il est surtout devenu l’un des derniers symboles de l’unité fragile du pays lorsque le conflit politique entre francophones et néerlandophones sur l’avenir de la Belgique s’est brutalement aggravé à l’été 2007.

Inlassablement, il a tenté de rassembler Wallons et Flamands, aux cultures différentes. Très actif dans les coulisses de son palais, où il reçoit régulièrement les chefs de partis politiques, il a joué les entremetteurs alors que les crises politiques se succédaient et que le pays ne parvenait pas à se doter d’un gouvernement stable.

Albert II a pris des risques en dénonçant un jour le «séparatisme explicite ou feutré». Cela lui vaut une méfiance tenace des responsables politiques flamands, les indépendantistes de la N-VA en particulier, qui le considèrent trop proche des francophones et aimeraient transformer le pays en République.

Enfance difficile

Sur le plan privé, la vie d’Albert II n’a pas été de tout repos. Il est âgé d’un an lorsque sa mère, la reine Astrid, meurt dans un accident de voiture. Après l’invasion de la Belgique le 10 mai 1940, il est confiné au palais de Laeken avec sa famille, qui sera emmenée par les Allemands en Autriche, où ils furent libérés par l’armée américaine en mai 1945.

En raison de l’opposition d’une partie des Belges au retour du roi Léopold III en Belgique, la famille royale s’installe en Suisse, dont elle ne rentrera qu’en 1950. Pour apaiser un pays alors au bord de l’insurrection, Léopold III s’était effacé au profit de Baudouin, qui régnera pendant 43 ans, laissant son cadet dans l’ombre.

Albert II et la Reine Paola ont eu trois enfants, Philippe l’héritier du trône né en 1960, puis Astrid et Laurent.

Echéance politique sensible et scandale

L’abdication intervient moins d’un an avant une échéance politique très sensible, les élections législatives de mai 2014, qui pourraient montrer une nouvelle poussée des nationalistes flamands et provoquer une nouvelle crise politique. La famille royale est bien plus populaire auprès des Wallons que des Flamands qui, selon les sondages, souhaitent qu’elle joue un rôle moins important dans la vie du royaume.

Les dernières semaines ont été difficiles pour Albert II avec le retour, dans l’actualité, de l’affaire de sa fille naturelle présumée, Delphine Boël, une artiste plasticienne de 45 ans. Cette dernière a assigné en justice, le 17 juin, Albert II, le prince héritier Philippe et sa sœur, la princesse Astrid, ainsi que son père légal, Jacques Boël, afin que des tests ADN soient réalisés pour prouver qu’elle est le quatrième enfant du souverain belge, qui ne l’a jamais reconnue. Albert II n’a fait aucune déclaration publique sur cette affaire.

Cette abdication intervient dans un contexte de changement de génération dans certaines monarchies d’Europe. La reine Beatrix des Pays-Bas a choisi de laisser le trône à son fils Willem-Alexander le 30 avril après 33 ans de règne. La perspective d’une abdication est également évoquée en Espagne.