David Cameron tient sa revanche. Deux ans après la défaite à la Chambre des communes de son plan de bombarder la Syrie après les attaques chimiques de l’armée de Bachar el-Assad, le premier ministre britannique est quasiment certain de l’emporter ce mercredi. Il propose au vote des députés une motion pour rejoindre la coalition occidentale menant une campagne de bombardements contre l’Etat islamique (Daech selon l’acronyme arabe). Preuve de l’importance du sujet, le débat sera débattu pendant plus de dix heures aux communes, et les traditionnelles questions au premier ministre du mercredi ont été annulées. Mais l’issue est courue d’avance: David Cameron est assuré d’obtenir une majorité.

Vote libre

Politiquement, la situation s’est débloquée lundi grâce à l’implosion du Parti travailliste sur le sujet. Jeremy Corbyn, son leader, un pacifiste qui était récemment encore vice-président de l’association Stop the war, s’oppose à ces attaques. Mais ses propres députés se sont rebellés. Même Hilary Benn, son ministre des Affaires étrangères du cabinet fantôme, s’est déclaré ouvertement en faveur des frappes.

Face à la bronca, Jeremy Corbyn s’est résigné à offrir à ses troupes un vote libre à la Chambre des communes. Au moins une cinquantaine de ses députés devraient soutenir les bombardements, garantissant une majorité à David Cameron.

Le parallèle avec le vote d’août 2013 est pourtant trompeur. A l’époque, il s’agissait de bombarder les forces du président Bachar el-Assad, qui avait utilisé des armes chimiques contre son peuple. David Cameron avait fait revenir à Londres les députés, qui était en vacances. A la surprise générale, il avait essuyé une défaite étroite suite à l’opposition des travaillistes, qui trouvaient la décision trop précipitée. Cette fois-ci, la cible est Daech.

Impact limité sur le terrain

Si les discussions politiques sont très animées, l’impact militaire de l’arrivée des Britanniques dans la coalition sera limité. D’une part, le Royaume-Uni bombarde déjà l’Etat islamique, du côté irakien. Cette décision n’a pas nécessité de vote au parlement, parce que le gouvernement de Bagdad a demandé officiellement l’aide de l’armée britannique. D’autre part, seuls huit avions Tornados, basés sur l’île de Chypre, opérerons dans le ciel syrien. Ces appareils ont certes une capacité technique poussée pour tirer des missiles très précis de faible puissance, mais leur influence demeurera limitée.

David Cameron est d’ailleurs le premier à reconnaître que les bombardements ne sont pas suffisants. «Il n’y a pas de solution militaire à ce problème. […] La vraie solution, en Irak et en Syrie, est la même: on a besoin de gouvernement fort et solide, qui représente toutes les communautés, sunnites, chiites, kurdes, chrétiennes et druzes. Cela va prendre du temps.»

Sortir de la politique isolationniste

Dès lors, pourquoi insister pour prendre part aux bombardements? David Cameron avance deux arguments. Le premier est que le groupe terroriste présente un danger direct, comme le prouvent les récentes attaques à Paris. Selon les autorités britanniques, sept attentats préparés ou «inspirés» par Daech ont été déjoués sur le sol britannique ces six derniers mois.

Le second argument relève du statut du Royaume-Uni à travers le monde. Après sa défaite à la Chambre des communes en 2013, et avec son référendum sur la sortie ou non de l’Union européenne, le premier ministre conservateur est accusé de pratiquer une politique étrangère isolationniste. Il veut faire taire cette idée. «Nos alliés les plus proches veulent notre aide. Nous ne pouvons pas nous contenter de sous-traiter cette action.»

Face à lui, Jeremy Corbyn, qui est malgré tout soutenu par une majorité des députés travaillistes, réplique que les interventions militaires en Afghanistan, en Irak et en Libye depuis 2001 n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu, décapitant des groupes terroristes tout en renforçant leur idéologie. Il craint que le Royaume-Uni ne mette le doigt dans l’engrenage, envoyant à terme des troupes au sol. Enfin, les bombardements soutiennent de facto Bachar el-Assad, un dictateur largement responsable des dizaines de milliers de victimes de la guerre civile en Syrie.