L'océan Arctique recèlerait d'énormes réserves de pétrole, de gaz, mais aussi d'étain, or, nickel, manganèse, plomb, platine et diamant, font miroiter les savants russes (LT du 28.7.07). Avec le réchauffement climatique, et les progrès des techniques, ces réserves pourraient justifier une prochaine conquête du pôle, plaident-ils.
«Ce drapeau russe en lui-même ne signifie pas grand-chose, relativise Arkadi Tichkov, directeur adjoint de l'Institut de géographie de l'Académie russe des sciences. Mais cette mission n'en est pas moins importante pour rapporter les preuves géologiques que la dorsale Lomonosov est bien une terre russe, qui fait le prolongement du plateau continental sibérien. Faire cette preuve, c'est ajouter 1,2 million de kilomètres carrés à la surface de notre pays!»
Au-delà de l'aspect folklorique du petit drapeau russe, les deux bathyscaphes sont censés ramasser des échantillons de fonds marins, pour démontrer que cette région se situe dans le prolongement du plateau sibérien, ce qui ouvrirait à la Russie des droits d'exploitation de ses ressources. En 2001, la Commission de l'ONU sur les limites des plaques continentales a rejeté une première fois ces prétentions, invitant la Russie à apporter les preuves scientifiques de ses revendications. En prévision de la prochaine réunion de cette commission, en 2009, la Russie cherche aujourd'hui à réunir ces preuves...
«Chacun peut planter les drapeaux qu'il veut où il veut. Robinson Crusoé avait bien lui aussi planté son drapeau sur son île, ironise Alexeï Malachenko, politologue au Centre Carnegie de Moscou. Mais l'avenir nous réserve sans doute une lutte à mort pour les ressources de l'Arctique. Selon certaines estimations, il y aurait là 136 milliards de tonnes d'hydrocarbures. Même s'il n'y en a que 10 milliards, c'est déjà beaucoup.»
En Russie même, où les terres vierges et les ressources gaspillées ne manquent pas, l'euphorie médiatique créée autour de cette conquête du pôle fait grimacer les esprits les plus critiques. Les images rappellent celles plus tragiques d'août 2005, quand un autre bathyscaphe russe s'était pris dans des filets de pêche, dans la baie du Kamtchatka, et avait dû faire appel à un robot britannique pour se libérer. «Cette mission signale au moins que l'on recommence à s'intéresser aux terres nordiques, apprécie le géographe Arkadi Tichkov. Dans les années 1990, les expéditions russes dans l'Arctique avaient été très réduites. Dieu merci, on se souvient aujourd'hui que l'on a des océanologues, géologues et géographes russes qui peuvent faire du bon travail.»