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Salah Abdeslam: «Mon silence ne fait pas de moi un criminel, c’est ma défense»

Seul membre encore en vie des commandos djihadistes du 13 novembre 2015, le Franco-Marocain est jugé à Bruxelles pour une fusillade, le 15 mars 2016. Ce procès en correctionnelle n’est qu’un préambule à celui qui aura lieu en France

Salah Abdeslam, le 5 février 2018 à Bruxelles. — © STRINGER
Salah Abdeslam, le 5 février 2018 à Bruxelles. — © STRINGER

«Je n’ai pas peur de vous, je place ma confiance en Allah»: Salah Abdeslam, dernier survivant des commandos djihadistes de novembre 2015 à Paris, a défié la justice le lundi 5 février à l’ouverture de son premier procès à Bruxelles. La justice a requis 20 ans de prison contre lui et un complice.

Les deux hommes devaient répondre devant la justice belge de la fusillade contre la police survenue à Bruxelles à la fin de la cavale de Salah Abdeslam en mars 2016. L’audience a été suspendue jusqu’à jeudi, qui pourrait être le dernier jour des débats au lieu de vendredi comme cela était initialement prévu, le jugement devant être mis en délibéré.

«Je ne souhaite pas répondre à aucune question», a déclaré d’emblée Salah Abdeslam lorsque a commencé son interrogatoire sur les faits. Mais «mon silence ne fait de moi ni un coupable ni un criminel, c’est ma défense», a ajouté le Français d’origine marocaine âgé de 28 ans, barbe fournie et cheveux gominés coiffés en arrière. A ses yeux, «les musulmans sont jugés et traités de la pire des manières, impitoyablement». «Je n’ai pas peur de vous, je n’ai pas peur de vos alliés, de vos associés, je place ma confiance en Allah et c’est tout», a lancé Salah Abdeslam à la présidente du tribunal, Marie-France Keutgen.

La procureure fédérale, Kathleen Grosjean, a requis une même peine de 20 ans de prison contre Sofiane Ayari, accusé également d’avoir tiré sur des policiers le 15 mars 2016 dans la commune bruxelloise de Forest. Il s’agit de la peine maximale prévue en correctionnelle pour les faits jugés, selon la représentante du parquet.

Aucune image

Extrait en fin de nuit de la prison de Fleury-Mérogis en région parisienne, l’ex-«ennemi public numéro un» s’est présenté devant le tribunal correctionnel vêtu d’une veste claire et d’un pantalon noir. Son avocat, Sven Mary, a fait savoir que son client souhaitait qu’aucune image de lui ne soit prise par les médias. A l’issue de l’audience, Salah Abdeslam a été transféré à la prison de Vendin-Le-Vieil (nord de la France), où il doit séjourner pendant le procès. Il y est arrivé peu après 20h, a indiqué l’administration pénitentiaire.

Le procès de Bruxelles n’est qu’un préambule, certes très attendu, à celui qui aura lieu en France pour les attentats qui ont fait 130 morts fin 2015 à Paris. Salah Abdeslam, qui a grandi dans le quartier populaire bruxellois de Molenbeek où il a d’abord été connu comme petit délinquant avant de se radicaliser, apparaît au cœur d’une cellule djihadiste impliquée dans au moins trois dossiers terroristes majeurs.

Lire aussi: Salah Abdeslam, au cœur du creuset terroriste bruxellois

Les attentats de novembre 2015 à Paris, ceux du 22 mars 2016 à Bruxelles (32 morts) et l’attaque avortée dans le train Thalys Amsterdam-Paris en août 2015 relèvent «peut-être d’une unique opération» du groupe djihadiste Etat islamique (EI), selon la justice belge.C’est ce qui a poussé une association de victimes du terrorisme, V-Europe, à se porter partie civile au procès à Bruxelles. Une demande qui sera débattue lors d’une autre audience, le 29 mars.

«Scène de guerre»

Le 15 mars 2016, des enquêteurs français et belges avaient été surpris par des tirs pendant une perquisition de routine dans une des multiples planques belges de la cellule djihadiste, rue du Dries à Forest, dans l’agglomération bruxelloise. Trois policiers avaient été blessés et un djihadiste algérien de 35 ans, Mohamed Belkaïd, tué en leur faisant face avec une kalachnikov pour couvrir la fuite de Salah Abdeslam et de Sofiane Ayari.

«C’est une véritable scène de guerre à laquelle les policiers ont été confrontés […]. C’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de morts» parmi eux, a estimé lundi la procureure, Mme Grosjean.Cet épisode avait précipité la fin de la cavale de celui qui était alors l’homme le plus recherché d’Europe et dont l’empreinte ADN avait été découverte dans la planque. Il avait été interpellé avec Sofiane Ayari trois jours plus tard, le 18 mars, à Molenbeek. Les enquêteurs ont considéré leur arrestation comme l’élément déclencheur des attentats du 22 mars 2016, quand trois kamikazes se sont fait exploser à l’aéroport et dans le métro de Bruxelles.