Samopomitch, le parti des espoirs de Maïdan

Ukraine Le parti du maire de Lviv, Andri Sadovy, incarne l’envie de changement des révolutionnaires de l’hiver dernier

Le nouveau gouvernement de coalition sera annoncé ce lundi

Loin des eaux parfois fétides du marigot kiévien, Andri Sadovy est le visage politique ukrainien le moins connu en dehors des frontières du pays. Et pour cause, depuis un an, malgré les spasmes qui ont secoué Kiev, alors que ses concitoyens ont nourri en masse la révolution de Maïdan, le maire de Lviv n’a jamais squatté les barricades, poursuivant la modernisation d’une ville d’un million d’habitants, bastion de la culture ukrainienne et magnifique vestige de pierre d’une Mitteleuropa disparue.

Pourtant, le 26 octobre dernier, Andri Sadovy, cheveu clair et fines lunettes, est devenu un des acteurs clés de la transition. Son parti Samopomitch a créé la surprise en se hissant à la troisième place de l’élection législative, avec 11%, derrière le Front populaire du premier ministre Arseni Iatseniouk et le Bloc Porochenko. Samopomitch est même devenu la première formation politique à Kiev, avec 24%.

«Au départ, personne n’imaginait que Samopomitch passerait la barre des 5%, mais deux semaines avant le vote, les sondages ont commencé à décoller, expliquait au Temps Andri Sadovy, vendredi, sous les vieux plafonds de son hôtel de ville. Les gens de Samopomitch sont des personnalités indépendantes, souvent très intelligentes. Le résultat des législatives nous impose une énorme responsabilité.»

Alors que les observateurs craignaient une percée des nationalistes, c’est la génération Maïdan qui a fait son entrée en politique. Ancien compagnon de l’ex-président Viktor Iouchtchenko, Andri Sadovy a créé en 2010 son parti Samopomitch, un mot ukrainien qui signifie «auto-assistance» et invoque les mânes des sociétés d’entraide qui structuraient la Galicie, l’Ukraine occidentale, lorsqu’elle était austro-hongroise.

«Le principe de cette organisation, c’est de s’aider soi-même, explique Mykhailo Dubyak, journaliste d’Euronews originaire de Lviv. Cela impose aux habitants de s’organiser eux-mêmes, sans attendre l’aide des autorités centrales ou locales.» Cette philosophie naviguant entre libéralisme, libertarisme, solidarisme chrétien et progressisme a irrigué le mouvement de Maïdan, intrinsèquement méfiant envers le système et la classe politique.

Alors cet été, Andri Sadovy s’est entouré d’une étonnante équipe, jeune et hétéroclite. «Dans la liste, il n’y avait aucun député élu ou personne ayant fait partie d’un quelconque gouvernement. Ce sont des gens complètement nouveaux, qui promeuvent des valeurs européennes. Je leur fais entièrement confiance», dit Andri Sadovy. Il a choisi, lui, de ne pas siéger au parlement. De fait, les nouveaux élus de Samopomitch détonnent dans un paysage politique consanguin et corrompu. La tête de liste, Hanna Hopko, est une juriste dans le secteur des ONG. A 32 ans, elle pourrait être nommée ministre de l’Agriculture. Egor Sobolev, 37 ans, ancien journaliste, dirigeait après Maïdan le Comité de lustration, chargé d’élaborer une législation anti-corruption. Semen Sementchenko, 40 ans, et Pavlo Kyschkar, 34 ans, combattants du Bataillon Donbass, ont troqué le treillis contre la chemise du parlementaire.

«La révolution est un processus permanent qui ne s’achèvera que quand nous aurons des gens de qualité au pouvoir», poursuit Andri Sadovi. Le rôle de Samopomitch sera, selon lui, de promouvoir la notion de responsabilité politique et de redevabilité des élus envers les électeurs. «La première réforme sera d’instaurer des élections à la proportionnelle, transparentes, et que le parlement puisse désigner les postes importants au gouvernement.»

Mais le maire de Lviv sait que la tâche est aussi immense que les attentes des citoyens. «C’est le moment de lancer des changements, mais c’est très compliqué en raison d’une situation que les historiens appelleront la première guerre russo-ukrainienne, mesure-t-il. Pour vaincre notre ennemi, nous devons faire ces réformes à l’intérieur. Les gens sont prêts pour ce grand saut, mais pas la classe politique…»

Samopomitch sera un membre important de la coalition gouvernementale annoncée ce lundi, mais le parti devra lutter pour faire entendre sa voix. A Kiev et à Lviv, beaucoup d’observateurs craignent que le scénario post-Révolution orange de 2005 ne se répète, lorsque les réformes étaient mort-nées des balles perdues de la guérilla politique entre Viktor Iouchtchenko et sa première ministre Ioulia Timochenko.

«Je crains également ce scénario, car il y a des incompréhensions et des petites batailles», confie Andri Sadovy. Près de dix ans plus tard, Petro Porochenko et Arseni Iatseniouk se défient à leur tour à l’heure de constituer le gouvernement. «Ils devraient discuter en personne des problèmes qui se posent, parce que si cette rivalité continue, ce sera tragique pour notre pays.»

Samopomitch signifie «auto-assistance» et invoque les mânes des sociétés d’entraide qui structuraient la Galicie