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Le Sénat italien vote son affaiblissement

La réforme du parlement voulue par Matteo Renzi a été adoptée. L’opposition craint que le pouvoir ne se concentre toujours plus entre les mains du premier ministre

Matteo Renzi vise à mettre un terme à la paralysie politique dont est victime la Péninsule. (AFP) — © ANDREAS SOLARO
Matteo Renzi vise à mettre un terme à la paralysie politique dont est victime la Péninsule. (AFP) — © ANDREAS SOLARO

Matteo Renzi les avait prévenu dès le début de son mandat. «Je voudrais être le dernier président du Conseil à demander la confiance à cette assemblée», avait-il lancé aux sénateurs lors de son discours programmatique en février 2014. Il a tenu parole. Mercredi, le Sénat a adopté à une large majorité un texte qui le réforme en profondeur et met fin à 70 ans de bicaméralisme parfait. Dans ce qui représente la plus importante modification que la Constitution italienne ait jamais connue.

179 sénateurs se sont prononcés en faveur de la réforme, 16 l’ont rejetée et 7 se sont abstenus. La Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles ont déserté leurs bancs avant le vote. Si le texte est désormais définitif, il doit encore subir trois passages parlementaires, espérés par le gouvernement avant le printemps, puis être validés par les Italiens lors d’un référendum.

Pour une «Italie plus simple et plus forte»

L’Italie se verra alors dotée d’une stabilité gouvernementale inédite et voulue par Matteo Renzi, qui a salué mercredi une réforme rendant «l’Italie plus simple et plus forte». Le chef de gouvernement vise à mettre un terme à la paralysie politique dont est victime la Péninsule; pas moins de 63 gouvernements se sont succédé depuis la naissance de la Première République en 1946.

Le Sénat imaginé par Matteo Renzi représente les régions et les collectivités territoriales. Il perd son pouvoir législatif au profit quasi exclusif de la Chambre des députés, devenant ainsi une simple assemblée consultative. Il sera composé de 100 membres, contre 315 aujourd’hui, issus des élections régionales. Parmi eux, 21 élus seront des sénateurs-maires et cinq autres seront nommés par le président de la République. Mais la transition de l’ancienne à la nouvelle mouture sera lente. Le Sénat tel que le prévoit la réforme ne naîtra pas avant 2020, pas avant que toute les régions ne soient passées par les urnes, à commencer par la Sicile trois ans plus tôt. Si les fonctions et les sièges sont drastiquement réduits, ce n’est pas le cas des dépenses, regrette le quotidien La Stampa, qui estime à 20% seulement la baisse des coûts de fonctionnement de la nouvelle assemblée.

Un premier ministre soutenu par son président

Le premier ministre italien est soutenu dans ce parcours par l’ancien président de la République Giorgio Napolitano. «L’alternative était de rester cloués à toutes les distorsions» de la politique italienne, a lancé dans l’hémicycle le sénateur à vie de 90 ans. Les vents contraires n’ont jamais été aussi forts que sur la route de l’adoption de ce texte, au sein de l’opposition comme du Parti démocrate au pouvoir. Une minorité démocrate menaçait de ne pas suivre les consignes de vote. Elle souhaitait que les sénateurs soient élus directement par les citoyens, ce que ne prévoyait pas la première version du texte. Ils ont été entendus après d’âpres négociations. Les électeurs indiqueront ainsi qui ils veulent envoyer à Rome lors des scrutins régionaux.

Dans l’opposition, le parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia, s’est brisé sur ce dossier. Après avoir participé à l’élaboration de la réforme constitutionnelle, l’ancien président du Conseil a décidé de rompre avec Matteo Renzi, prétextant leur désaccord sur le choix du président de la République en février dernier. Mais une dizaine de sénateurs ont fait défection pour soutenir la réforme du Sénat à laquelle ils ont participé.

L’opposition la plus dure est venue du Mouvement 5 étoile et de la Ligue du Nord. Le mois dernier, cette dernière avait par exemple opposé à la réforme plus de 80 millions d’amendements pour faire obstruction au travail parlementaire. Il est reproché au président du Conseil de mettre en place un système mettant un seul homme aux commandes. Les opposants craignent que la réforme du Sénat ne renforce l’exécutif, déjà conforté par l’adoption d’une nouvelle loi électorale. Une loi qui permet aux chefs de partis de désigner les têtes de liste dans les 100 circonscriptions du pays. Et qui permettrait à Matteo Renzi d’assurer son pouvoir à la Chambre des députés en cas de victoire électorale.