Iran
Des centaines de milliers de personnes ont pris part à une manifestation, interdite, pour dénoncer la «mascarade électorale». Selon la radio officielle, il y aurait eu sept morts et plusieurs blessés. Le ministre de l’Intérieur est responsable, selon le président du parlement.
Un souffle d’espoir flotte sur la place Azadi («liberté», en persan). Femmes en tchador noir, jeunes filles en foulard coloré, ouvriers en savates, hommes d’affaires en costume… Ils se sont tous passé le mot pour converger, par centaines de milliers, vers cet axe stratégique de Téhéran, pour dénoncer la «mise en scène électorale» du scrutin de vendredi dernier.
«A mort le dictateur!» hurle un jeune homme vêtu d’un t-shirt. «Où est notre vote?» répondent, en chœur, les manifestants entassés autour de lui. Au milieu de la foule, une grappe de jeunes filles se fraye un chemin jusqu’au trottoir où une dizaine de bassidjis (les miliciens islamiques pro-Ahmadinejad) font le pied de grue. Les regards se croisent. Le sourire aux lèvres, elles leur offrent des roses rouges, dissimulées dans leurs sacs. «Roquettes, tanks, bassidjis. Ils ne nous font pas peur!» crient-elles. Des applaudissements viennent couvrir leur voix. Du jamais vu en République islamique d’Iran.
Un peu plus tôt, dans la journée, le Ministère de l’intérieur avait pourtant formellement interdit ce rassemblement, considéré comme illégal, et organisé à l’initiative de Mir Hossein Moussavi, le rival principal de Mahmoud Ahmadinejad à la présidentielle – le premier à avoir dénoncé la fraude. Mais les manifestants ont préféré braver courageusement l’interdit. Dès 16 heures, des milliers de personnes ont commencé à se rassembler un peu plus haut, sur la place de la «Révolution» – en référence au dernier soulèvement populaire du même genre, en 1979. Equipées de baskets sous leur long manteau, de nombreuses femmes ont répondu à l’appel. A la fois acteurs et témoins de cette forme inédite de désobéissance civile, la moitié des manifestants s’improvisent en journalistes, armés d’appareils photo et de mini-caméras. Magie des nouvelles technologies, et véritable défi contre la censure: dans quelques minutes, leurs images feront le tour du monde.
Sous une pluie de cris de joie, Mir Hossein Moussavi, le «héros» du jour, finit par rejoindre la foule, épaulé par Mehdi Karoubi, autre candidat malchanceux à l’élection, et Mohammad Reza Khatami, le frère de l’ex-président réformiste. C’est sa première apparition publique depuis le soir du scrutin – à la suite duquel les rumeurs disent qu’il aurait été assigné à résidence surveillée. Dans la foule, un seul mot d’ordre: poursuivre la mobilisation jusqu’au bout. Certains organisateurs proches de Mir Hossein Moussavi appellent même à une grève générale, et à de nouvelles manifestations. Comme si le mur de la peur était brisé. Au risque de leur vie, pourtant, comme cet homme qui aurait succombé au tir d’une balle, en fin de journée, selon le témoignage d’un photographe. Comme ces cinq étudiants tués, la nuit d’avant, dans un dortoir universitaire de la capitale. Hier, en fin de journée, l’odeur de pneus brûlés qui émanait à nouveau des grandes places téhéranaises laissait présager une nouvelle nuit blanche. Mais les miliciens continuaient, eux aussi, à rôder dans les rues.
Nouveaux développements (AFP)
6h27 heure suisse. Bilan
Sept civils ont été tués en marge de cette manifestation, selon la radio officielle d’information Radio Payam ce matin. «Plusieurs voyous voulaient attaquer un poste militaire et vandaliser les équipements publics près de la place Azadi. Malheureusement sept personnes ont été tuées et de nombreuses autres blessées», a dit la radio.
7h45. Mahmoud Ahmadinejad en Russie
Le président iranien est sur le point d’arriver à Ekaterinbourg pour un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, auquel l’Iran participe en tant qu’observateur. Mahmoud Ahmadinejad avait retardé son arrivée de 24 heures en raison des troubles qui ont suivi sa réélection.
8h00. Ali Larijani s’en prend au ministre de l’Intérieur
Pour le président du parlement iranien, Ali Larijani, le ministère de l’Intérieur «est responsable et doit répondre» de violentes attaques contre des étudiants et des habitants d’une grande cité du nord Téhéran, a rapporté l’agence Ilna.