Initialement prévues en avril 2008, les élections sont sans cesse repoussées: août 2008, mars 2009, septembre puis avril 2010. Aujourd’hui, des rumeurs disent qu’il faudra à nouveau patienter. Etonnant, la démocratie du Somaliland, jusque-là, impressionnait. Des problèmes de cartes d’identité, de bureaux de vote, de listes sont invoqués.

Indépendance proclamée

Pour bien saisir cette histoire, il faut remonter à la fin des années 1980, quand le nord somalien subissait les affres de la répression du régime de Siad Barre. Le dictateur somalien s’acharnait sur ceux qui lui résistaient. Des années de torture, de bombardements et d’empoisonnement de puits ont tout détruit. Hargeisa, la principale ville du nord, n’était que ruines. Mais en 1991, le dictateur est destitué. Le Somaliland détruit proclame aussitôt son indépendance.

Aujourd’hui, alors que la Somalie anarchique et corsaire passe pour le pays le plus dangereux du monde, le Somaliland – ancien protectorat britannique – essaie d’organiser sa troisième élection présidentielle après plus d’une décennie de paix et de liberté. Les éloges ont foisonné. Human Rights Watch par exemple: «Ce que le Somaliland a accompli est aussi improbable qu’impressionnant. […] Un pays s’est construit, la paix et la démocratie se sont imposées.» En avril 2003, le troisième président depuis 1991, Dahir Riyale Kahin, est élu à une courte majorité. Alors que son parti compte 33 sièges au parlement et l’opposition 28, celle-ci remporte les législatives deux ans plus tard.

Les observateurs internationaux applaudissent: «Justes et équitables.» Selon eux, la République fait partie des trois pays les plus démocratiques d’Afrique: institutions qui fonctionnent, stabilité politique, monnaie propre, quelques touristes, liberté de culte, passeports biométriques. L’accès à l’eau portable progresse, l’éducation aussi. Et nous sommes dans la Corne de l’Afrique.

Les appels du Somaliland en faveur de l’indépendance ne trouvent pas d’échos. Les médias préfèrent les pirates du Puntland voisin. Quelques vidéos sur YouTube ou des groupes Facebook visent à «briser le silence». L’International Crisis Group s’est engagé: «L’Union africaine (UA) doit considérer le Somaliland.» C’est tout. L’enclave a beau représenter tout ce que la Somalie n’est pas, c’est quand même cette dernière qui est reconnue, regrette Saad Noor, diplomate somali.

«Intégrité territoriale»

C’est qu’en Afrique, les sécessions font peur. Le spectre de la guerre indépendantiste du Biafra, au Nigeria (1967-1970), reste présent dans les mémoires, sans parler de la scission de l’Erythrée et de l’Ethiopie après la chute de Mengistu en 1991. L’indépendance du Kosovo, en février 2008, a aussi créé des remous au Somaliland. Mais l’UA ne veut rien entendre. Seuls quelques Etats entretiennent des contacts avec la République.

La communauté internationale, elle, «fait du respect de l’intégrité territoriale des Etats un principe fondamental du droit international, rappelle Marcelo Kohen, professeur de droit territorial à l’Université de Genève. Les conflits internes devraient se régler dans l’entente et le respect des diversités, pas dans la création de mini-Etats chaque fois que des groupes ethniques, religieux ou autres ne s’entendent pas».

Et les aspirations indépendantistes ne font pas l’unanimité. «Nous sommes tous Somalis et devons vivre ensemble», tonne-t-on aussi sur Internet. Reconnaître l’indépendance du nord pourrait déstabiliser encore plus la Corne. Il en faudrait peu: la frontière avec le Puntland est disputée, les sécheresses sont monnaies courantes – on se bat donc pour la terre – et les milices islamistes somaliennes s’attaquent volontiers aux voisins du nord.

Depuis 1991, le Somaliland tient le coup tant bien que mal. Tout seul. Les enjeux du scrutin présidentiel sont essentiels: soit il est équitable et la province continue dans l’étonnante voie de démocratie qui la caractérise, soit la région cède. Car rien ne dit que les problèmes actuels ne sont pas aussi provoqués par les velléités autoritaires du président Kahin.