Le Temps: Le système électoral britannique est à bout de souffle?

Patrick Dunleavy: Le système est dépassé, clairement. Nous sommes maintenant complètement sortis du bipartisme d’autrefois. Le mode de scrutin est hautement disproportionnel. Lors de ces élections, sept partis à travers la Grande-Bretagne ont obtenu plus de 1% des voix là où ils se présentaient. Outre les libéraux-démocrates, il y a le UKIP (parti anti-européen), le BNP (extrême droite), et les partis régionaux (écossais, gallois et partis nord-irlandais). Il faut noter aussi qu’un député vert a été élu pour la première fois [ndlr: Caroline Lucas, leader du parti vert, élue à Brighton], ce qui est une avancée historique.

– Ce multipartisme est-il nouveau?

– Le système électoral et parlementaire britannique nous vient directement du Moyen Age. Mais la Grande-Bretagne est en transition depuis de nombreuses années vers une démocratie libérale normale, avec six ou sept partis, et des coalitions pour former un gouvernement. Lors de l’élection générale de 1951, les conservateurs et les travaillistes recueillaient 96% des voix. Depuis, cela ne cesse de baisser. Avec ce scrutin, nous n’en sommes plus qu’à 66%.

On voit aussi que les Britanniques sont prêts à voter pour d’autres partis quand le mode de scrutin donne une chance aux «petits». Lors des européennes de 2009, les deux principaux partis ont fait moins de la moitié des voix.

– Le système électoral actuel n’a-t-il pas l’avantage d’assurer un gouvernement fort?

– Le résultat nous montre aujour­d’hui le contraire. Pire, en cas de gouvernement minoritaire mené par les conservateurs, il est probable que David Cameron annonce une nouvelle élection à l’automne prochain, ou en mai 2011 au plus tard. C’est mauvais pour le pays, et cela risque de mettre la livre sterling sous pression.

– Les libéraux-démocrates peuvent-ils obtenir un changement du mode de scrutin?

– Malheureusement pour Nick Clegg, il a terminé en lointain troisième, après avoir complètement raté la fin de sa campagne. Cependant, il bénéficie d’une vraie opportunité. Gordon Brown lui propose une réforme du système électoral immédiatement, ainsi que des mandats à durée fixe [ndlr: pour éviter que le premier ministre au pouvoir ne puisse jouer de la date de l’élection à sa guise]. Une coalition avec les travaillistes lui assurerait aussi de nombreux ministres au gouvernement. Cela étant dit, le meilleur résultat pour le pays serait plutôt une coalition formelle entre conservateurs et lib-dem, qui permettrait d’assurer une majorité confortable. Ce serait aussi le mieux pour les marchés financiers.