Une ville morte. Des résidents empêchés de rejoindre leur domicile en cas d’oubli de leurs badges ou de barrages policiers trop pointilleux. Une armada sécuritaire de 24000 policiers français et allemands sans aucun rapport avec les manifestations annoncées, bien moins importantes que prévues. Malgré l’interpellation, samedi matin, de près de 40 personnes à Strasbourg et Kehl (Allemagne), le dispositif policier destiné à protéger le sommet de l’OTAN a démontré une fois encore la difficulté d’organiser ce type de rencontre dans des centres urbains importants. Par comparaison, les sommets du G8, pour y échapper, ont lieu depuis plusieurs années dans des endroits reculés, hors d’atteinte des foules de manifestants. 

Le spectacle, à Strasbourg, est en tout cas sidérant. Pas moins de deux heures de marche, ce matin, pour accéder au centre de presse situé au Palais des congrès, à proximité du Parlement européen. Même dument badgés et identifiés, des dizaines de journalistes - dont l’auteur de ces lignes - se sont retrouvés prisonniers des cordons de sécurité qui empêchaient toute présence sur les axes empruntés par les convois officiels. Impossible, également, d’obtenir une dérogation des autorités locales, tétanisées sans doute par la réputation de Nicolas Sarkozy qui n’a pas hésité dans le passé à renvoyer illico des préfets, pour avoir laissé des manifestants approcher trop prés de l’entourage présidentiel.

Les protestataires, de leur coté, n’ont pas atteint les chiffres de 30 à 40000 cités avant le sommet. Environ 1800 personnes dispersées en plusieurs groupes ont tenté de pénétrer dans le centre-ville de Strasbourg et les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes pour les repousser, précisait-on à la préfecture. Des postes de police locaux auraient aussi subi des déprédations de la part de jeunes des quartiers sensibles de la ville. Mais pour les commerçants et les riverains, le désastre est total. Tout le centre-ville historique de Strasbourg était bouclé samedi matin pour permettre aux premières dames et à leurs cortèges de visiter les ateliers de restauration de la cathédrale.

Seule image à retenir de ce déploiement de forces ahurissant: les images de policiers français et allemands escortant, côte à côte, les véhicules officiels. Les voitures et les motos marquées «Bundespolizei» (police fédérale) étaient, ce matin, comme chez elles dans la capitale alsacienne placée sous le signe de la réconciliation européenne, soixante ans après la signature à Washington, en 1949, du Traité de l’organisation de l’Atlantique nord.