Succession dynastique à la secte Moon
religion
Rencontre avec Hyung Jin-moon désigné pour reprendre les destinées d’un mouvement créé en 1935 par son père Sun Myung-moon
«Je suis plutôt jeune», admet avec un sourire timide Hyung Jin-moon qui ne fait pas ses 30 ans. Le gros pendentif doré de l’Eglise de l’Unification battant sur le torse accentue l’allure frêle du benjamin de la famille. C’est pourtant bien lui qui a été désigné pour reprendre les destinées d’un mouvement de plusieurs millions d’adeptes de par le monde qui excite toutes les imaginations: la secte Moon. Car, âgé de 89 ans, le révérend Moon prépare la relève et a choisi le plus jeune de ses fils pour reprendre les destinées spirituelles de son empire.
D’entrée, il marque le fossé infranchissable qui le sépare du père: «Lui, c’est un Messie, moi je ne suis qu’un employé.» Mais derrière la voix douce de l’ancien étudiant de Harvard se cache la volonté d’imposer sa marque. Et d’adapter l’entreprise familiale lancée en 1954 aux besoins du marché spirituel du XXIe siècle. Depuis son arrivée à Séoul en provenance de New York, le fils du Messie tente de donner un coup de jeune à un mouvement en perte de vitesse sur la terre de ses ancêtres. «Quand je suis arrivé, l’Eglise coréenne n’était pas bien gérée. Le nombre de nos membres déclinait», reconnaît le dauphin qui a plaidé pour un traitement de choc afin de sauver l’affaire familiale.
Avec l’aide de son frère chargé de Tongil Group, la branche économique du mouvement, Hyung Jin- moon a mandaté le cabinet de conseil Deloitte pour établir des règles de «transparence financière». Un point brûlant quand on sait que les membres doivent donner au moins 10% de leurs revenus au mouvement, «selon les principes bibliques». Des ressources à la base d’un empire économique qui inclut des hôtels à Manhattan, l’agence de presse internationale UPI, le quotidien Washington Times, une station de ski ou les réseaux d’approvisionnement américain de… sushis!
Les donations financent le futur quartier général mondial qui sera inauguré au début de l’année prochaine au centre de Séoul et symbolisera les habits neufs de la secte. Un investissement de 100 millions de dollars, au cœur de la stratégie de rénovation des infrastructures engagée par Hyung Jin-moon. Objectif: des centres plus spacieux offrant aux membres toutes les facilités «modernes». Et des écoles pour «former» les enfants dès le plus jeune âge.
Révolution en marche
Il est loin ce dimanche de Pâques 1935 où Jésus est apparu à Sun Myung-moon pour lui demander de «terminer le travail» en établissant le royaume de Dieu sur terre. La stratégie de son fils est de remettre au goût du jour un mouvement dont la notoriété décolla durant la vague hippie des années 1960 grâce aux mariages collectifs organisés par l’entremetteur suprême, le révérend Moon. Des cérémonies spectaculaires dont la dernière en date, le 13 octobre, a impliqué plus de 40 000 personnes à travers le monde. Mais derrière les images colorées, une révolution est en marche: la fin des mariages imposés. «Seul mon père, le Messie, peut former des couples», explique Hyung Jin-moon, au côté de Yeonah, son épouse qui fut choisie par son père à l’âge de 18 ans. «Ce fut une totale surprise pour moi», se souvient la jeune femme qui découvrit son mari le jour des fiançailles. Désormais, la secte organise des rencontres entre les membres «pour qu’ils puissent se connaître» avant le mariage.
«Toutes les religions ont connu des conflits à la mort de leur fondateur. La secte Moon n’échappe pas à la règle», rappelle le spécialiste Mickael Breen. Si le patriarche restera capitaine jusqu’au bout, la menace de rivalités plane du fait d’une division des responsabilités entre les différents enfants. Car si Hyung Jin-moon a reçu l’onction spirituelle, il ne contrôle pas l’empire économique dirigé par son grand frère, et c’est sa sœur Tatiana qui reprend en main l’Eglise américaine. «Il y a un risque», concède le fils du Messie.