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Le sud de la Thaïlande en proie à la violence islamiste

La loi martiale a été proclamée dans trois provinces où vivent la majorité des musulmans du pays, après que six soldats et policiers aient été tués et des écoles incendiées

Une brutale flambée de violence ces derniers jours déstabilise le sud de la Thaïlande, où vivent la majorité des 6 millions de musulmans du pays. Dimanche matin, 18 écoles gouvernementales ont été incendiées alors que, simultanément, une cinquantaine d'assaillants attaquaient un dépôt d'armes militaires dans la province de Narathiwat, frontalière de la Malaisie. Les assaillants ont tué les quatre gardes militaires du dépôt en leur tranchant la gorge et sont partis en emportant plus d'une centaine de fusils d'assaut et de lance-roquettes. Quelque 2000 soldats se trouvaient dans le camp où était situé l'arsenal. Malgré l'imposition de la loi martiale et l'envoi de troupes en renfort, deux attentats à la bombe ont secoué lundi le centre de la ville de Pattani, une province voisine. Deux policiers qui tentaient de désamorcer l'un des engins placés sous le réservoir d'une moto ont été tués par l'impact sous l'objectif des caméras.

Multiples hypothèses

Furieux, le premier ministre Thaksin Shinawatra, qui avait affirmé à maintes reprises que la situation dans le sud était sous contrôle après une première série d'attaques en avril dernier, a fustigé son ministre de l'Intérieur, Wan Mohammad Nor Matha, un politicien musulman originaire de cette région, et déclaré que les soldats tués lors de l'attaque «méritaient de mourir» parce qu'ils avaient été négligents. Adepte des ultimatums, il donne sept jours aux agences gouvernementales concernées pour trouver les coupables. «Certains boulons ont besoin d'être resserrés, mais ceux qui sont hors d'usage vont être éjectés du système», a-t-il déclaré.

De multiples hypothèses sont formulées quant à l'identité des attaquants. L'une des plus plausibles met en cause des anciens combattants séparatistes musulmans qui ont viré au banditisme et sont impliqués dans un trafic d'armes à destination de la guérilla d'Aceh, en Indonésie, et des Tigres tamouls du Sri Lanka. Une puissante guérilla séparatiste, le PULO, a opéré dans les quatre provinces musulmanes du sud de la Thaïlande – Yala, Pattani, Narathiwat et Satun – jusqu'au milieu des années 1980, mais n'existe plus en tant qu'organisation. Malgré la relative pacification de la région ces vingt dernières années, la méfiance reste vive entre les musulmans, qui sont d'ethnie et de culture malaise, et les fonctionnaires thaïlandais bouddhistes envoyés administrer la région. L'arrestation en juin dernier de quatre Thaïlandais musulmans, professeurs ou étudiants dans une école coranique, accusés d'avoir planifié des attentats terroristes en lien avec le mouvement indonésien Jemaah Islamiyah, a encore agrandi le fossé, les locaux considérant qu'ils sont des boucs émissaires.

Dans un éditorial cinglant à l'encontre du gouvernement, le quotidien Bangkok Post met en garde contre la possibilité que des groupes terroristes internationaux infiltrent le sud: «La violence continue et le terrorisme local combiné au ressentiment vis-à-vis de Bangkok peut accroître l'influence des extrémistes étrangers.»