La Suède justifie sa politique de faible confinement
Scandinavie
Plusieurs ministres se sont expliqués sur l’exception suédoise jeudi devant la presse étrangère. Leur perspective: la lutte contre le coronavirus est un marathon, pas un sprint

On connaissait le flegme britannique, il faudra s’habituer maintenant à l’assurance suédoise. Hier, ce ne sont pas moins de trois ministres qui sont venus justifier la stratégie anti-coronavirus du royaume nordique, où le confinement n’est toujours pas d’actualité, et où les écoles restent ouvertes. L’épidémie a pourtant connu ces quatre derniers jours une brusque accélération avec un bilan qui est passé de 111 à 282 morts, et un record de 59 décès en une seule journée atteint mercredi.
Mais pour Lena Hallengren, ministre des Affaire sociales et de la Santé, la Suède est loin de rester inactive: «Nous avons focalisé nos efforts sur les personnes âgées, qui sont surreprésentées en soins intensifs. Il n’est pas nécessaire d’imposer un confinement général comme on le voit dans d’autres pays car nos recommandations de distanciation sociale et d’hygiène sont suivies pas les Suédois. A Stockholm, il y a 70% de gens en moins dans les rues du centre-ville, et 50% de moins dans les transports. Un tiers des habitants travaille depuis la maison. Ces résultats nous persuadent que les mesures contraignantes ne sont pas le seul moyen de changer les comportements.»
«Responsabilité personnelle»
La Suède a le même objectif que les autres pays – protéger sa population – même si les outils sont différents, martèlent les autorités. «Notre modèle est basé sur la responsabilité personnelle et la confiance dans les décisions prises par les agences gouvernementales, ajoute Ann Linde, ministre des Affaires étrangères. C’est valable en temps de crise, comme en temps normal.» Malgré ce rappel, il est clair que le pays se retrouve dans une situation unique en Europe. Sur Drottninggatan, la principale rue piétonne de Stockholm, on croise des couples qui font leur shopping, ou des écoliers vêtus d’un gilet jaune qui reviennent d’une activité dans un parc. La plupart des commerces, bars et restaurants sont ouverts, même s’ils sont moins fréquentés. Pour Lena Hallengren, cependant, il serait faux de penser que la vie continue comme avant: «Allez dire ça aux médecins dans les hôpitaux, aux chefs d’entreprise, aux personnes âgées qui ne peuvent plus recevoir de visites, aux lycéens et aux étudiants qui travaillent depuis chez eux…»
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Le visage de la Suède a changé, c’est vrai, par touches successives, sans être bouleversé. Les lycées et universités, qui demandent souvent de longs trajets à ceux qui les fréquentent, sont fermés depuis deux semaines. Ces derniers jours, l’Autorité suédoise de santé a interdit les rassemblements de plus de 50 personnes, les visites dans les maisons de retraite, le service au comptoir dans les bars, et fermé les stations de ski. Même les manifestations du 1er Mai, une grande tradition ici, ont été annulées. Pour la première fois depuis le début de la crise, des recommandations ont également été émises mercredi pour que tous les Suédois – même ceux apparemment en bonne santé – gardent leurs distances dans les espaces publics: transports en commun, commerces et clubs de sport doivent désormais veiller à ce que leurs clients et usagers se comportent conformément aux nouvelles règles.
«Nous sommes prêts à prendre des décisions plus fortes pour contenir le virus mais nous savons aussi que cette épidémie ne va pas disparaître en une ou deux semaines, cela va durer des mois, précise Isabella Lövin, vice-premier ministre. En accord avec nos experts, nous prenons donc des mesures qui sont acceptables par la population sur le long terme. On se prépare pour un marathon, pas pour un sprint.»
Des médecins dénoncent
Malgré la tendance générale des Suédois à faire confiance au gouvernement, d’autres voix s’élèvent pour dénoncer un certain «laxisme». Une lettre ouverte rassemblant plus de 2000 signatures de médecins, de scientifiques et de professeurs a notamment appelé les autorités à introduire des mesures de confinement plus draconiennes et à tester massivement la population. Mais pour l’instant, la majorité de la population semble suivre l’avis bien tranché de Lena Mellin, éditorialiste vedette du quotidien le plus diffusé en Suède, Aftonbladet, qui se félicitait mardi de la discipline de ses concitoyens et des vertus d’un pays où il n’est nul besoin de mobiliser la police ou l’armée pour faire respecter les consignes, avant de conclure: «Soyez fiers, vous vivez en Suède!»
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