S’il est prouvé que des armes chimiques ont bel et bien été utilisées en Syrie, Paul Seger en est convaincu: la pétition signée par 58 pays que la Suisse a envoyée au Conseil de sécurité au mois de janvier pour l’inciter à saisir la Cour pénale internationale «est plus pertinente que jamais». L’ambassadeur de Suisse auprès des Nations unies à New York est catégorique: «Afin de défendre le droit des victimes, il est essentiel que ceux qui ont commis de graves crimes dans le cadre du conflit syrien n’échappent pas à leur responsabilité. La responsabilité pénale de criminels présumés doit faire partie intégrante d’une solution politique. Il n’y aura pas de paix durable sans cela. L’impunité crée déjà les germes de futurs conflits.» Face à la détérioration de la situation et à la grave crise humanitaire que la Suisse dénonce, Paul Seger espère pouvoir réitérer le message de la pétition quand l’occasion se présentera.

Propositions pragmatiques

L’initiative suisse n’a peut-être pas été suivie concrètement d’effets, mais la pétition est régulièrement mentionnée lors des discussions du Conseil de sécurité sur le Proche-Orient. A fin juillet, à la demande de la Suisse, la commission internationale indépendante d’enquête sur la Syrie, présidée par Paulo Sergio Pinheiro, a présenté ses travaux au président de l’Assemblée générale, le Serbe Vuk Jeremic, qui n’avait jusqu’ici pas jugé nécessaire de le faire. Une manière d’ajouter une pression supplémentaire en vue d’une saisine de la CPI.

La Suisse agit aussi par un autre biais, celui du groupe Accountability, Coherence and Transparency (ACT). Composé de 22 pays, le groupe, qui fait suite à une première initiative suisse, tente de réformer les méthodes de travail du Conseil de sécurité. Conscient du fait que la grande réforme des institutions onusiennes reste dans les limbes, ACT émet des propositions pragmatiques. «Il demande ainsi aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité de renoncer à utiliser leur droit de veto en cas de génocide, crime de guerre et crime contre l’humanité, précise Paul Seger. La France a publiquement déclaré être prête à y renoncer dans une telle situation d’atrocités pour autant que les autres en fassent de même.»

Le représentant suisse auprès de l’ONU n’est pas dupe. De l’eau va encore couler sous les ponts avant que les cinq membres permanents renoncent ponctuellement à leur veto. Mais d’un côté, Américains et Britanniques estiment que la Syrie est un cas exemplaire où il importe que le Conseil de sécurité ne soit pas paralysé. De l’autre, les Russes insistent pour réaffirmer la primauté de la Charte de l’ONU et du droit international. En théorie, tout le monde semble d’accord, mais dans les faits, le Conseil de sécurité reste bloqué…