Le Temps: Les élections se concluent sans majorité absolue et les libéraux-démocrates, avec presque le quart des voix, obtiennent moins de 9% des sièges. N’est-ce pas la preuve d’une crise?

Rodney Barker: Non, le système n’est pas en crise. La participation a augmenté (à 65%), après avoir diminué en 2001 (59%) et 2005 (61%). Les gens ont même fait la queue pour voter. A Sheffield, certains ont occupé le bureau de vote et refusé de partir tant qu’ils n’avaient pas mis leur voix dans l’urne (ndlr: le bureau de vote a fermé alors que des électeurs faisaient encore la queue comme dans plusieurs circonscriptions).

– Mais cela ne va-t-il pas déboucher sur un gouvernement affaibli?

– Pas nécessairement. Il y a un gouvernement minoritaire en Ecosse depuis trois ans, et cela se passe très bien. Il n’est pas du tout impossible qu’un gouvernement minoritaire conservateur fonctionne bien, dans la mesure où il y a d’importants accords sur les grands dossiers. En particulier, sur les banques et le déficit, les libéraux-démocrates ont été les plus sérieux jusqu’à présent et ils peuvent trouver des points d’accord avec les autres partis.

– Néanmoins, les libéraux-démocrates ne sont-ils pas sous-représentés par rapport aux votes obtenus?

– C’est vrai, le système a tendance à déformer les votes que les lib-dem reçoivent. Ceux-ci estiment qu’il est temps de le changer, pour introduire un peu plus de proportionnel. Mais il ne faut pas oublier que le vote du «premier arrivé au poteau» (ndlr: scrutin uninominal à un tour) permet de dégager des gouvernements forts, même si cela n’a exceptionnellement pas été le cas. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Enfin, ajoutons que le gouvernement, quel qu’il soit, sera très fortement influencé par les libéraux-démocrates. Leurs politiques vont déteindre sur le nouvel exécutif.

– Les libéraux-démocrates peuvent-ils tirer profit de la situation?

– Cela va dépendre de la capacité de Nick Clegg à être dur en négociations. Celles-ci vont sans doute durer largement jusqu’à la semaine prochaine. D’habitude, le parlement se réunit six jours ouvrés après une élection. Cette fois, ce sera douze jours.

– Le Parti travailliste a limité les dégâts, mais les libéraux-démocrates n’ont pas fait aussi bien que prévu. Comment l’expliquez-vous? – Les gens ont peur et sont inquiets. Ils ont vu la Grèce et le plan de rigueur et ils se sont demandé ce qui allait leur arriver. Ils savent que des décisions très difficiles doivent être prises et que cela va les toucher directement. Il y a sans doute eu une volonté de voter utile.