Une question ultrasensible devait être au centre des discussions initiales de la 73e Assemblée mondiale de la santé (AMS): Taïwan. Pour les Américains, une participation de Taipei est nécessaire au vu de l’expertise de l’île indépendante en matière de gestion des pandémies. Elle est surtout un levier que Washington utilise pour contrer Pékin. Pour Washington, il incombe au directeur général de l’OMS, le docteur Tedros, d’envoyer une invitation à Taipei. «Il a l’autorité pour le faire», entend-on dans les cercles du pouvoir américain. C’est le geste qui, aux yeux des Etats-Unis, montrerait l’indépendance de l’agence onusienne vis-à-vis de Pékin. Ce lundi matin, il a toutefois été décidé de renvoyer le cas de la participation taïwanaise à une autre session de l'OMS plus tard dans l'année. 

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Lettre ouverte

Ces derniers jours, une quinzaine de petits pays ont écrit au docteur Tedros pour l’exhorter à inviter Taïwan. Et puis vendredi, trois figures politiques majeures, l’ex-secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen, l’ex-président polonais Aleksander Kwasniewski et l’ancien premier ministre suédois Carl Bildt en ont fait de même dans une lettre ouverte publiée dans The Guardian. «Il est regrettable, écrivent-ils, que la géopolitique ait empêché Taïwan d’avoir plein accès aux forums et services de l’OMS.»

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Selon les Américains et certains Européens, l’article 3 du Règlement intérieur de l’AMS donne la possibilité au directeur général de l’OMS d’inviter Taïwan: «Le directeur général peut inviter des Etats ayant demandé leur admission en qualité de membres, des territoires pour le compte desquels une demande d’admission en qualité de membres associés a été présentée et des Etats qui ont signé mais n’ont pas accepté la Constitution à envoyer des observateurs à des sessions de l’Assemblée de la santé.» Pour rappel, sous la direction de la… Chinoise Margaret Chan, l’OMS avait accordé à Taïwan le statut d’observateur à l’AMS entre 2009 et 2016. Mais depuis, la Chine de Xi Jinping s’y oppose. Ces derniers jours, les diplomates chinois se sont activés à convaincre plusieurs Etats du nord et de l’est de l’Europe de ne pas soutenir la requête de Taipei. Quant aux conditions posées par Pékin à Taïwan pour une participation, l’île indépendante les juge inacceptables. Elles consisteraient à accepter la politique d’«une seule Chine».

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Conseiller juridique de l’OMS, Steven Solomon le souligne: le directeur général de l’OMS n’est que le secrétaire de l’AMS. Il ne peut pas inviter Taïwan de sa propre initiative. Il a besoin d’un soutien clair des 194 Etats membres. Entre 2009 et 2016, une solution diplomatique avait été appuyée par les membres. Aujourd’hui, relève Steven Solomon, ce soutien consensuel n’existe pas. Mais les Etats membres peuvent décider collectivement de se pencher sur la question. C’est une question de volonté politique qui leur revient.