L’arraisonnement, le 7 septembre, d’un chalutier chinois par le Japon à proximité d’îles dont la Chine conteste la souveraineté au Japon n’en finit pas d’envenimer les relations entre Pékin et Tokyo. Dimanche, les autorités japonaises ont prolongé de dix jours la détention de Zhan Qixiong, le capitaine du chalutier. Il est accusé d’avoir intentionnellement percuté un bâtiment des gardes-côtes nippons.

Pékin soutient que Tokyo n’a pas à appliquer ses lois nationales dans des eaux qui, selon la Chine, ne lui appartiennent pas. Pour aggraver les choses, la grand-mère du marin est morte le lendemain de son arrestation et celui-ci n’a pas pu se rendre à ses funérailles, ce qui a suscité l’émoi des internautes chinois.

Coopération gelée

La Chine, qui appelle à une libération immédiate du pêcheur, a renchéri, dimanche, en suspendant toutes discussions bilatérales au-delà du niveau provincial. Selon Pékin, la décision de la justice japonaise «a gravement porté atteinte aux échanges sino-japonais» et la coopération a été gelée, dimanche, dans plusieurs domaines.

L’ambassadeur du Japon en Chine a été convoqué mercredi 15 septembre pour la cinquième fois depuis le début de l’affaire. «La Chine prendra des contre-mesures fermes si la partie japonaise s’obstine à poursuivre dans cette voie [et] le Japon devra en tirer toutes les conséquences», a menacé dimanche le porte-parole du Ministère chinois des affaires étrangères, Ma Zhaoxu.

Les îles Senkaku (Diaoyu en chinois) sont disputées depuis leur restitution au Japon par les Etats-Unis, à la fin de l’occupation d’Okinawa en 1972. Or, à la fin des années 1990, un accord de pêche a été passé entre Chinois et Japonais pour une partie de la zone. Etonnamment, constate Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherche aux CNRS, aucun des deux pays n’y fait la moindre allusion. Selon le chercheur, la Chine poursuit la «stratégie de la corde raide»: «Les Chinois se comportent en maître d’école. Ils disent aux Japonais qu’ils font erreur après erreur alors que jusque-là, le statu quo était bâti sur le fait que les îles Senkaku sont sous administration japonaise. Les Chinois le savent bien», explique-t-il.

Au-delà de la question d’hypothétiques réserves d’hydrocarbures dans les fonds marins au large de ces îlots inhabités, se profile celle de l’affirmation par la Chine de ses ambitions navales. Surtout depuis la rebuffade essuyée cet été en mer de Chine méridionale lorsque les Etats-Unis ont signalé que les questions territoriales entre la Chine et ses voisins devaient se régler dans un cadre multilatéral. «Les îles Senkaku sont l’enjeu d’une vraie rivalité stratégique malgré tout, car c’est le premier chapelet d’îlots qui limite l’accès de la Chine aux océans», assure Jean-Pierre Cabestan.

Les autorités chinoises ont visiblement fait en sorte que cette escalade avec Tokyo ne gagne pas la rue, contrairement à ce qui s’était passé en 2005. De modestes rassemblements encadrés par nombre de policiers ont été constatés, le 18 septembre, près des représentations diplomatiques japonaises en Chine. Ils marquaient les 79 ans de l’incident de Mukden, qui fut le prétexte à l’invasion de la Mandchourie par le Japon.

Tentative d’apaisement

La brouille n’a pas été dissipée par la nomination, vendredi, à ­Tokyo, d’un nouveau ministre des Affaires étrangères, Seiji Maehara, 48 ans. Il a déclaré au sujet de l’affaire qu’«il n’y a pas de problème territorial dans cette région». Pour lui, ces îles sont japonaises. Mardi 14 septembre, encore ministre du Territoire et des transports, il avait évoqué l’importance «d’adopter une position ferme en réponse à toute menace sur la souveraineté du Japon».

Seiji Maehara a néanmoins joué l’apaisement, qualifiant l’incident de «concours de circonstances malheureuses» et saluant l’attitude de Pékin dans la gestion des manifestations de samedi. Un discours relayé par le porte-parole du premier ministre, Naoto Kan, pour qui «il est nécessaire de répondre calmement aux questions individuelles sans tomber dans l’émotion».