Voilées ou non, jeunes ou moins jeunes, toutes vêtues comme un jour de fête: même à Ramallah, la plus libérale des villes palestiniennes, la foule de manifestantes, brandissant drapeaux et pancartes, avait de quoi surprendre, lundi. «Nous voulons prouver que l'Intifada est une résistance populaire. Les femmes font partie de la lutte, comme les hommes», explique la députée Hanan Ashrawi.
Depuis quelques semaines, les responsables palestiniens tentent de donner un nouveau tour à l'insurrection qui a débuté il y a six mois. Non que les attaques armées contre les colons ou même les attentats terroristes aient mauvaise presse dans les territoires: bien peu sont ceux qui s'aventureraient à les condamner publiquement. Mais la «lutte armée» s'avère, du point de vue palestinien, néfaste sur le plan de l'image internationale face, notamment, à un Ariel Sharon qui tente de se profiler comme le champion de la paix.
La manifestation de lundi s'inscrivait ainsi dans une série de marches pacifiques qui veulent notamment répondre aux bouclages des villes exercés par les Israéliens. «Il y en aura d'autres, cela fait partie de notre stratégie, souligne le docteur Mustapha Barghouti, un des dirigeants palestiniens que l'Intifada a placés au premier rang. Sharon est en train de terroriser aussi bien le peuple palestinien que l'Autorité de Yasser Arafat. Nous ne pouvons plus tolérer cette situation. C'est allé trop loin.»
Alors que les actions pacifiques étaient monnaie courante pendant la première Intifada (1987-1993), elles sont pourtant difficiles à mener à bien, comme l'a prouvé la manifestation de femmes. Autour d'elles, la présence de quelques enfants aura suffi. Souvent très jeunes, venant du camp de réfugiés de Kalandia, l'un des plus frondeurs de toute la Cisjordanie, ils se mesurent presque quotidiennement aux soldats qui gardent cette route.
L'«injustice provoque la haine»
«Nous ne voulons plus que nos enfants continuent d'être des victimes, explique, en frémissant devant la présence des enfants, Rima Tarazi, l'une des organisatrices de la marche. L'injustice provoque toute cette haine. Mais rien ne sera résolu par la haine. C'est un feu qui finira par tout consumer.» Prises de panique, près de la moitié des femmes avaient déjà fait demi-tour lundi à l'approche du barrage militaire, laissant sur le bord de la route leurs pancartes «contre l'occupation» qu'aucun Israélien ne verra jamais.
Dans la confusion générale, au milieu de dizaines de voitures et de camions bloqués par les militaires, la manifestation finira mal, chauffée encore par d'autres jeunes venant d'une école proche, pierres à la main. Plusieurs personnes seront légèrement blessées par des bombes lacrymogènes ou des tirs de soldats, dont Hanan Ashrawi. La manifestation ne fera pas deux lignes dans les journaux israéliens. Il y a quelques jours, au cours d'une marche pacifique similaire, un Palestinien avait été tué d'une balle dans le ventre.